Le témoin clé du procès UBS s’est exprimé dimanche soir sur la chaîne américaine CBS. De toute l’affaire, l’Américain sera le seul à aller en prison. Lui et «pas un seul banquier suisse», tonne-t-il.
«Je leur ai donné la plus grosse affaire de fraude fiscale au monde. J’ai dénoncé 19000 criminels internationaux et je serai le seul à aller en prison pour cela ? Et pas un seul banquier suisse ?» Bradley Birkenfeld a dénoncé le sort que lui ont réservé les autorités américaines, dimanche soir, s’exprimant pour la première fois dans l’émission 60 Minutes sur la chaîne américaine CBS.
Les confessions de l’ancien gérant basé à Genève ont abouti au versement d’une amende de 780 millions de dollars par UBS, en février 2009. Après un bras de fer juridique de six mois devant un tribunal de Floride, la Confédération s’est engagée à dénoncer 4450 clients, ouvrant une brèche dans le secret bancaire. Près de 10 000 fraudeurs se sont volontairement dénoncés au fisc des Etats-Unis, de crainte d’être poursuivis sur la base de ces informations.
«Bradley Birkenfled a fait gagner des milliards de dollars au contribuable américain et amené des milliers de personnes à se dénoncer», ce qui devrait lui valoir la reconnaissance du gouvernement, note son avocat Stephen Kohn devant les caméras de 60 Minutes.
Au lieu de cela, l’Américain a été condamné à 40 mois de prison par une Cour de Floride, en août dernier. Après un an d’arrêt à domicile avec un bracelet électronique à la cheville, il devra purger sa peine dès le 8 janvier, soit ce vendredi.
Interrogé sur les informations les plus sensibles qu’il a livrées au fisc américain, Bradley Birkenfeld répond : «Je leur ai donné le nombre de clients et les sommes sous gestion en Suisse pour des Américains». Selon le gérant, 90% de ses clients avaient recours à UBS dans le seul but de frauder le fisc.
Depuis ses révélations, six anciens clients d’UBS ont plaidé coupable de fraude fiscale. Tous ont obtenu des peines avec sursis. L’ancien chef de la divison de gestion de fortune d’UBS pour les clients américains, Martin Liechti, avait été retenu quatre mois à Miami suite aux dénonciations de son subordonné, avant d’être libéré sans suite et en toute discrétion à l’automne 2008. Bradley Birkenfeld a offert son témoignage au parquet de Zurich, en vain, avant que celui-ci ne renonce à ouvrir une enquête sur les procédés d’UBS fin décembre.
Lors de l’interview, Bradley Birkenfeld s’est montré évasif sur sa propre implication. Dans un échange à la limite du cocasse, il admet dans un cas avoir pris l’avion vers les Etats-Unis, avec des diamants cachés dans un tube de dentifrice, pour les remettre à un client. «Etait-ce légal ?», demande le journaliste Steve Kroft. «Oh, c’était juste pour être sûr de ne pas les perdre», répond l’ancien gérant.
La sévérité du Département de la Justice s’expliquerait, notamment, par le manque de transparence de l’ancien banquier. Il ne serait passé au aveux qu’après que son principal client, le milliardaire Igor Olenicoff, soit tombé dans la filets du fisc. Ce que confirme un des procureurs interrogé par CBS, Thomas Perelli. Selon ce dernier, si Brad Birkenfeld avait été «totalement honnête et nous avait dit tout ce qu’il savait à l’été 2007, il est probable qu’il n’aurait pas été poursuivi».
Bradley Birkenfeld conteste cette version des faits avec véhémence. Ses avocats ont écrit au ministre de la justice Eric Holder la semaine dernière pour demander un report de son entrée en prison, le temps que son cas soit réexaminé. Cette démarche a peu de chances d’aboutir, dans la mesure où Bradley Birkenfeld avait plaidé coupable d’aide à la fraude fiscale en juin 2008.
Bradley Birkenfeld pourrait toutefois sortir de prison avec un large sourire. Selon ses avocats, sa condamnation pour les faits liés à son propre client ne devrait pas l’empêcher de toucher une récompense de 30% sur les 780 millions de dollars d’amende versés par son ancien employeur, suite au scandale qu’il a dénoncé.