Par Isabelle Mouilleseaux
Le lièvre et la tortue… Voilà ce à quoi les bourses d’une part, et l’économie réelle de l’autre, me font penser. La comparaison avec la fable s’arrêtera là. Je doute fort que la tortue ne remporte notre course. Quoique.
Côté lièvre… les marchés. Dématérialisés.
Les marchés ont anticipé, très en amont et de façon très optimiste, la reprise économique mondiale. Puis ont foncé ! En trombe… A en faire pâlir Usain Bolt ! Regardez les rebonds impressionnants des indices depuis leurs plus bas de mars. A vous couper le souffle.
Côté tortue… l’économie. Bien réelle, elle.
L’économie réelle redémarre. Enfin ! A son petit train de sénateur. Et ne me parlez pas de redémarrage naturel, s’il vous plaît. L’économie mondiale comateuse a été maintenue en vie artificiellement et vaguement remise sur pied à coups centaines de milliards injectés.
Et encore… c’est une reprise plus “statistique” que “réelle“. Certes, les entreprises ont re-stocké. Elles ont réduit massivement leurs coûts pour “sauver leurs marges.” Mais elles n’investissent pas. Les consommateurs ne consomment que très peu, par peur du lendemain. Et les banques ont beau dire, elles ne prêtent pas. Ou si peu… A commencer par les États-Unis.
Les Américains sont fiers de leur taux de croissance de 2,2% au troisième trimestre 2009 en rythme annualisé… Mais il leur en a coûté la bagatelle de 800 milliards de dollars pour en arriver là. 800 milliards les 2,2 points de croissance du PIB… Plutôt cher la croissance ! Si j’enlève les 800 milliards, qu’est-ce qui reste ?
Comme un funambule ivre sur son fil
Pas bien sûre d’elle. Plutôt brinquebalante. Voire carrément en équilibre instable… Elle est bien titubante notre économie, bien fébrile. Lestée même ! A coup d’endettement massif des États qu’il va bien falloir rembourser, et de chômage galopant (10% aux États-Unis, 18% en Espagne).
Toujours sous perfusion aussi : taux directeurs raz les pâquerettes, plans de relance colossaux, primes en tous genres… A ce régime on ferait courir les centenaires ! Il n’y a qu’à voir notre vieille Dame Renault qui nous présente des ventes historiques sur 2009 (en hausse de 15% par rapport à 2008). Jamais on n’avait vendu autant de voitures depuis 20 ans. Merci la prime à la casse ! Vive la prime à la casse que dis-je…
Fébrile et lestée, notre économe réelle, oui…
Ce qui n’empêche pas qu’on lui demande aujourd’hui de rattraper les marchés (qui courent qui courent !), de s’aligner sur “la réalité” boursière, ceci afin de résorber l’écart entre l’anticipé et le réel !
Tout ceci alors même que la perfusion, la morphine et les amphétamines pourraient bientôt cesser… c’est vous dire le challenge. Notre tortue va donc devoir enclencher la sixième direct ! Le “monde réel” doit rattraper le “monde virtuel” … ni plus, ni moins.
J’attends de voir au tournant…
Parce que si ce n’est pas l’économie réelle qui s’aligne sur les marchés par le haut, ce seront les marchés qui s’aligneront sur l’économie réelle, par le bas. Il n’y a pas l’ombre de doute sur ce point. Pas de doute non plus sur le fait que je n’ai de boule de cristal capable de prévoir l’avenir. Mais j’ai tout de même ma petite opinion.
Alors oui. Oui, les marchés boursiers vont continuer leur course folle. Parce que les marchés nagent dans l’argent. Tellement d’argent qu’on ne sait plus qu’en faire. Et comme il faut bien l’investir quelque part cet argent, on fait des bulles… On en est là.
Des bulles ?! Mais c’est dangereux des bulles, me direz-vous !
Certes. Vous avez raison. Surtout quand elles explosent… Mais comprenez-moi bien. Ce n’est pas du tout le problème des financiers. Peu importe les dégâts, pourvu qu’il y ait des bulles… Car les bulles, ça rapporte gros ! Regardez un peu les primes de Goldman Sachs pour 2009 et vous comprendrez. Regardez la progression des indices aussi.
Les marchés jouent et gagnent à tous les coups
Et ça continuera tant que durera l’outrancière perfusion des économies. Pendant que les financiers vaguent et voguent allègrement sur leur petit nuage rose en plein courant ascendant, nous autres communs des mortels, qui vivons dans le monde du réel, ramons et galérons contre vents et marées.
Et après ?
Je crains fort que ce ne soit le marché qui doive s’aligner sur l’économie réelle. Par le bas. Alors accrochez vos ceintures au second semestre. Après la course folle vers les sommets, houle et gros temps à l’horizon. La galère pourrait tanguer sec. Et le petit nuage rose soudainement s’évaporer, pour s’abattre au sol en pluie battante… Car je ne vois pas vraiment ce qui pourrait venir soutenir l’économie une fois les plans, primes et taux renégociés.
Ne comptez pas sur la voracité du consommateur anglo-saxon surendetté pour remettre le feu aux moteurs. Ne comptez pas sur la rapide émergence du consommateur Chinois non plus. La surchauffe économique est telle dans l’empire du Milieu que je crains la brûlure au troisième degré…
En revanche vous pouvez compter sur la voracité des fiscs étatiques pour vous soutirer des deniers péniblement gagnés afin de renflouer les caisses, et sur la course effrénée à la dépréciation monétaire.
Comptez aussi sur l’inflation future pour soulager vos dettes, et sur les actifs TANGIBLES et RÉELS comme l’or pour éviter l’érosion de votre patrimoine.
Allez… Un dernier petit tableau pour la route…
Pas de doute… tout va bien dans le meilleur des mondes. A la fin de l’année, le CAC est à 8 000 points et le PIB français carbure à 5% l’an.
Money Week