L’économie du pays était en croissance depuis peu. Mais le séisme risque de freiner le redressement d’Haïti, où l’aide internationale est en route.
Le séisme qui a frappé Haïti mardi, avec ses destructions et deuils innombrables, risque d’interrompre le rétablissement qu’avait entamé ce pays pauvre ces dernières années. “Ce n’est pas seulement une destruction sans précédent. Le tremblement de terre a stoppé brusquement un bel élan,” a ainsi déploré Bob Perito, coordinateur des programmes d’aide de l’Institut américain pour la paix (USIP).
“Il y avait tant d’espoir pour l’avenir d’Haïti, un espoir tel qu’il n’y en avait pas eu depuis des années, et la nature l’a terrassé,” a commenté la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, qui connaît bien Haïti et dont l’époux, l’ex-président Bill Clinton, assure une mission pour l’ONU dans l’île.
Le séisme, le pire enregistré en deux cent ans sur l’île d’Hispaniola, pourrait avoir fait plus de 100.000 morts, a avancé le Premier ministre d’Haïti, Jean-Max Bellerive.
Selon Bob Perito, les Haïtiens ont “ressenti que les choses allaient mieux” ces dernières années, après des décennies de dictature puis d’instabilité et de violence politique. “L’économie commençait à fournir un peu de croissance, de l’ordre d’1 à 2% par an. Les investisseurs arrivaient. Hier (mardi) ou avant-hier, une chaîne hôtelière avait décidé d’implanter un hôtel dans l’île. Il y avait aussi des investissements dans le textile,” explique-t-il.
Une série de quatre ouragans, en septembre 2008, avait fait 800 morts et causé plus d’un milliard de dollars de dégâts, rappelle-t-il: “Mais l’aide internationale avait afflué, avec un engagement assez enthousiasmant de rebâtir Haïti.” Le spécialiste dit craindre que le séisme ait “un impact psychologique sévère.” Dans l’immédiat, le drame va affecter l’organisation et la tenue des élections législatives prévues en février, voire de la présidentielle prévue en 2011. Deux scrutins, dit-il, “qui promettaient déjà d’être difficiles” dans un climat politique toujours prompt à s’enflammer.
Haïti est “le pays le plus pauvre des Amériques.” Cela implique que la gravité à long terme des conséquences du séisme dépendra très directement du niveau de destruction des infrastructures, note Phil Neiburg, un analyste des catastrophes naturelles au sein du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington. “Si les grues du port sont détruites, comme on me l’a dit, cela empêchera de décharger les navires pendant plusieurs semaines au moins,” explique-t-il.
Robert Maguire, un spécialiste d’Haïti à l’université Trinity de Washington, estime quant à lui que “la gestion des personnes déplacées par le séisme va être un défi dans les six mois qui viennent”. “Cette tragédie illustre le besoin de plus décentraliser l’investissement et le peuplement à Haïti”, souligne-t-il, plutôt que de continuer à “empiler les gens” à Port-au-Prince au détriment de zones rurales négligées, et privées d’investissements agricoles. Malheureusement, poursuit-il, “changer cela aurait coûté très cher hier, et coûtera encore bien plus après le séisme.” Robert Maguire espère néanmoins que l’argent de l’aide internationale qui s’annonce permettra “d’aider les gens qui veulent quitter Port-au-Prince et rebâtir leurs vies.”
L’Expansion