Aux États-Unis, le mouvement Move Your Money invite les clients furieux à déplacer leurs comptes vers des établissements régionaux.
Excédés par les pratiques scandaleuses de leurs banques qui ne cessent de leur pomper de l’argent pour un motif tordu ou un autre, des milliers d’Américains se sont mis à déserter les « big six » (Bank Of America, JP Morgan Chase, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Wells Fargo, Citigroup) en transférant leur pécule dans de petites banques régionales.
Partout dans le pays, des mouvements de citoyens se forment pour inciter les mécontents à abandonner les plaintes stériles pour l’action musclée. Les rapaces de Wall Street ont beau être puissants et protégés par un gouvernement qui ne fait rien pour museler leur insatiable avidité, si des millions de gens retirent leur argent de leurs coffres pour le mettre ailleurs, ils finiront bien par être obligés de prêter attention au grondement qui monte, qui monte.
Un petit film résume la philosophie de l’initiative. (Voir la vidéo, en anglais):
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=Icqrx0OimSs[/youtube]
Surtout au moment où Wall Street s’apprête à distribuer d’indécents bonus aux cadres responsables de la crise et du bourbier financier, tandis que 12% d’Américains au chômage s’enfoncent dans les dettes, perdent leurs maisons et leur assurance santé.
« Move Your Money » a été initié par la fondatrice du Huffington Post
Le plus médiatique de ces mouvements, Move Your Money, a vu le jour un soir de décembre dernier au cours d’un dîner chez l’éditorialiste et fondatrice du site Huffington Post, Arianna Huffington. Réunis entre amis, les convives se demandaient que faire face aux pratiques éhontées des banques et des sociétés de cartes de crédit. Ils ont rapidement conclu que la solution était finalement assez élémentaire.
Isolés, les Américains sont impotents : les institutions financières ne sont gênées aux entournures par aucune réglementation ou presque. Ensemble, ils deviennent menaçants. En quelques jours, les fondateurs de Move Your Money ont conçu un site web et mis à la disposition des intéressés un moyen de trouver une banque de proximité. J’ai saisi mon code postal et trouvé 19 banques dans mon coin. Sans compter les dizaines de Caisses de crédit à but non lucratif.
Le site offre également les services d’Institutional Risk Analytics (IRA), une société d’analyse et de classement des institutions financières. Dennis Santiago, le PDG de IRA, commente :
« Depuis son lancement, la moitié des codes postaux du pays ont été saisis. En sept jours, nous avons eu environ 340 000 visiteurs. »
Des frais bancaires soudains et exorbitants
Relayé par la presse et les présentateurs de talk-shows et d’émissions satiriques comme Jon Stewart, Stephen Colbert ou Bill Maher, le mouvement s’enflamme. Les gens en ont tout simplement ras le cocotier d’être exploités par leurs banquiers. Il est devenu impossible d’assister à un dîner sans entendre une histoire kafkaïen de frais soudains et exorbitants.
Exemples :
* une surcharge de 9 dollars pour transférer de l’argent -en ligne et donc sans l’assistance de votre banque ! – du compte d’épargne au compte chèque
* un paiement mensuel automatique débité plus tôt sans votre accord pour vous facturer ensuite une amende de 35 dollars pour défaut de provision, etc.
* des taux d’intérêts de cartes de crédit montés en flèche sans préavis
* des conversations aberrantes avec des employés malotrus payés pour vous rabaisser le caquet, vous induire en erreur ou vous pousser à emprunter en sachant que vous n’en avez pas les moyens.
Allez sur YouTube et tapez « Bank of America » (BofA) et vous trouverez une foison de témoignages de personnes enragées par les abus de la banque.
« Le fait que j’aie toujours été un client responsable comptait pour du beurre »
Le publicitaire Roy DeYoung en a eu tellement assez qu’il est lui aussi passé à l’action. Alors qu’il n’a jamais manqué de payer ponctuellement les mensualités de sa carte de crédit, BofA a fait passer son taux d’intérêt de 12% à 30% sans raison. Jusqu’à cet incident, Roy pensait que ce genre de pratique ne s’appliquait qu’aux mauvais payeurs.
« J’ai essayé de discuter avec eux pour récupérer mon taux d’intérêt précédent. Rien à faire. Le fait que j’aie toujours été un client responsable comptait pour du beurre. En plus, dès que votre taux d’intérêt augmente pour une carte de crédit, toutes les autres, immédiatement alertées, se mettent à faire la même chose. Je me suis ainsi retrouvé avec des remboursement triplés. »
Roy a témoigné de ses galères sur YouTube:
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=u6hy4PBo4tE[/youtube]
Il a repensé le logo de Bank Of America pour la rebaptiser « Bend Over America » (littéralement : « penche-toi », mais je traduirais « présente-moi ta croupe ») et a posté le tout sur YouTube. Puis il a lancé le mouvement Bank Of America Walkout. Il raconte :
« Les deux premiers jours, ma vidéo a reçu plus de 10 000 visites. A tel point que YouTube m’a demandé d’y placer une pub. Des journalistes m’ont appelé de partout. Et deux auteurs m’ont déjà contacté pour un livre. »
Mille congégrations en bras de fer avec Bank of America
Les églises et les syndicats s’organisent eux aussi contre Bank Of America. Une coalition de mille congrégations religieuses s’est ainsi réunie cette semaine avec des huiles de la banque pour réclamer :
* un moratoire sur les saisies immobilières
* la possibilité pour ses membres de refinancer leurs hypothèques à un taux d’intérêt plus avantageux.
Si la BofA refuse, ils menacent de la quitter en masse. Quant au syndicat Service Employeees International Union (SEIU) recrute depuis quelques mois des employés de BofA pour en faire des agents doubles.
Ceux-ci s’engagent à informer le SEIU des pratiques malhonnêtes de leur employeurs. Eux aussi sont en colère. S’ils ne parviennent pas à convaincre leurs clients de vivre au-dessus de leurs moyens, ils sont en effet licenciés. A suivre….
Rue89