Alors que le Conseil d’orientation des retraites tablait sur un déficit tous régimes de 25 milliards à l’horizon 2020, ce niveau est déjà dépassé aujourd’hui. D’où la volonté du gouvernement de prendre des mesures à effet rapide, tel que le relèvement de l’âge légal de départ.
La crise a tellement ébranlé l’équilibre du système de retraites que les prévisions de déficits sont totalement bouleversées. En 2010, l’ensemble des régimes obligatoires devrait afficher un besoin global de financement supérieur à 25 milliards d’euros si l’on additionne les déficits du régime de base des salariés du privé (plus de 10 milliards), du Fonds de solidarité vieillesse (3,9 milliards), des régimes complémentaires Agirc-Arrco (3,4 milliards, hors résultats financiers), ceux de la fonction publique (10 milliards), et que l’on soustrait les excédents qui subsistent à la CNRACL (agents des collectivités locales) et à l’Ircantec (agents non titulaires de l’État).
Les dernières prévisions réalisées par le Conseil d’orientation des retraites (COR) en 2007, sont donc totalement obsolètes. Elles tablaient sur un besoin de financement de 24,8 milliards en… 2020, avec un taux de chômage ramené à 4,5 % dès 2015. La crise a rapproché les échéances de dix ans, ce qui rendra d’autant plus délicate la mise en oeuvre de la réforme. Le COR doit publier de nouvelles prévisions en avril (après les élections régionales) sur les besoins de financement en 2020 et en 2050. Elles seront évidemment encore plus inquiétantes.
Auditionné mardi au Sénat, le ministre du Travail, Xavier Darcos, a insisté sur les besoins de financement croissants liés aux retraites des fonctionnaires. Ceux-ci sont en effet « masqués » par l’obligation « d’équilibrage automatique » du compte spécial des pensions de l’État. Le chiffre de 10 milliards d’euros pour les retraites de la fonction publique ne correspond pas à un déficit constaté, mais aux charges supplémentaires que l’État employeur a dû assumer depuis 2000 : celui-ci dépensait alors l’équivalent de 44 % de charges sur les salaires des agents pour payer les retraites, contre 62 % aujourd’hui. D’où l’insistance de Xavier Darcos pour « agir » fermement cette année sur les retraites des fonctionnaires.
Équité entre régimes
« Le gouvernement lance une véritable charge contre le régime des retraites de la fonction publique d’État, réagit Bernard Devy (FO). Certes, il faudra examiner les inégalités entre les régimes, mais attention de ne pas stigmatiser la fonction publique. » Les pensions des fonctionnaires ne sont « pas toujours si avantageuses qu’on le dit, » souligne le responsable syndical, notamment pour ceux, nombreux, qui ont cotisé moins de quinze ans dans le public.
Au ministère des Affaires sociales, on rassure sur les propos du ministre : cela ne veut pas dire qu’on supprimera forcément les spécificités du régime de la fonction publique, notamment la règle du calcul de la pension sur la base des six derniers mois de salaire – et non des vingt-cinq ans comme dans le privé. Mais le principe d’équité entre régimes guidera la réforme.
Plus globalement, le creusement plus rapide que prévu des déficits va inciter le gouvernement à relever l’âge légal de départ sans pénalité, aujourd’hui fixé à soixante ans. Une mesure très sensible, mais qui aurait un effet plus rapide sur les comptes (environ 5 milliards d’euros d’économies pour un passage à soixante-deux ans) que l’augmentation de la durée de cotisations. Le relèvement de l’âge de la retraite impliquera la prise en compte de la pénibilité de certains métiers (pour certains salariés, le départ à soixante ans pourrait être maintenu). A condition, explique Xavier Darcos, que ces conditions de travail aient un impact objectif sur l’espérance de vie.
Les Échos