Par Paul Dontigny
L’important n’est pas de découvrir si Geithner, AIG et tous les autres ont menti à la population depuis au moins 2008. Nous le savons déjà. L’important est de savoir si nous en avons assez ras le bol pour faire quelque chose… puisque les mensonges n’ont pas eu l’effet escompté : ils n’ont pas mis fin à la crise et à la récession (nous le verrons dans les semaines et mois à venir).
Je lis des lettres financières sans arrêt et il semble y avoir un thème important qui revient régulièrement en ce début d’année 2010 : le secret, la corruption et les fraudes qui ont entouré tout ce qui a été fait aux États-Unis par les institutions financières, gouvernementales et réglementaires (Fed et autres), sont de plus en plus reconnues et investiguées.
C’est très probablement ce qui mettra fin à la phase Bull du marché Bear [de «bull» = taureau ; «bull market» = marché orienté à l’achat et donc, à la hausse, par opposition à la tendance prudente voire baissière, symbolisée par «bear» = ours, et ses propres déclinaisons terminologiques] dans lequel nous sommes pour très longtemps.
Depuis 2008, diverses lettres financières publient des opinions au sujet de toutes sortes de situations, qui se sont produites au nom du sauvetage du système. Du moment que Paulson, le chef du Trésor américain a semé la panique, en assurant que le système financier serait détruit dans quelques jours si on ne donnait pas, à lui-même et à la Fed, le droit de tout décider sans limites, nous avons vécu dans le noir. Nous nous sommes fait mentir et les autorités ont soutenu toute action visant à cacher la vérité au public, sous prétexte que si la population savait la vérité, il y aurait une panique.
Notez qu’aux États-Unis, beaucoup d’informations publiques permettent d’analyser la situation et de conclure que nous sommes vraiment dans une crise épouvantable, qui ne fait que commencer. Mais les médias et les autorités combattent quotidiennement la réalité en émettant des commentaires rassurants. D’après plusieurs experts, les données publiques ne sont plus fiables, car elles sont «ajustées». Notez en passant que c’est la même chose au Canada, mais en pire, car ici aucune information ne circule publiquement.
C’est un peu comme les mensonges de Bush au sujet des «weapons of mass destruction» [armes de destruction massive] qui n’existaient pas. Tout le monde s’en doutait, mais ils ont répété quotidiennement pendant des mois les dangers causés par l’Irak. Une fois la vérité enfin sortie, les menteurs n’ont pas été inquiétés. Il se passe, en ce moment, la même chose dans le système financier.
Plusieurs gens sérieux, incluant des membres du gouvernement américain, mettent en doute la légalité et la constitutionnalité de plusieurs gestes du Trésor américain et de la Fed. Par exemple, la limite de 400 milliards de dollars d’aide à Fannie Mae et Freddie Mac a été éliminée, cette semaine, sans l’approbation du Congrès. Étant donné les répercussions possibles d’une telle décision sur les dépenses du pays, ceci correspond à un acte qui est normalement réservé au Congrès.
Autre nouvelle, aujourd’hui, qui m’a inspiré ce commentaire blogue : Tim Geithner, le nouveau secrétaire du Trésor, sera appelé à témoigner, à la suite d’informations suggérant que la Fed de New York aurait ordonné à AIG de mentir au public, au sujet de l’utilisation de l’aide du gouvernement et des titres détenus, qui étaient en danger de défaut.
Plusieurs discutent encore aussi de la «mystérieuse» transaction de Bear Stearns et la faillite de Lehman Brothers, ainsi que de la fusion de Merrill Lynch et de Bank of America… De plus, à ce qu’on en sait, la Fed n’aurait pas l’autorisation constitutionnelle d’acheter autre chose que des titres du gouvernement. Or, elle a acheté plus de 1 000 milliards de dollars de titres hypothécaires, selon John Hussman et autres sources. Elle détient aussi AIG en tutelle, transaction qui n’a jamais été discutée publiquement.
Comme je l’ai mentionné dans ma chronique vidéo , je crois que ce phénomène de mensonges, de fraudes et de cachettes, a aussi atteint des limites physiques. Tant que les gens croyaient que le fait de cacher les problèmes aiderait à se sortir de la récession et de la crise, c’était toléré. Mais maintenant que la population voit déjà l’impact négatif des plans d’aide, sous forme de taxes et impôts futurs, alors que la crise (pertes cumulatives cachées + dette supplémentaire) en est pratiquement au même point qu’en 2008, ce n’est plus acceptable.
Le Président Obama a mentionné, cette semaine, qu’il croit que des plans d’aide additionnels auraient pour effet de créer une récession «Double Dip».
Les sondages ont démontré qu’une forte majorité de la population (65%, la dernière fois que j’ai regardé), donc des payeurs de taxes, ne veut plus de plans d’aide, car il est évident que l’effet composé, à long terme, de cette dette, sera probablement pire que de faire le ménage maintenant.
En cette année d’élection américaine, et d’écoeurement total de la population, à un moment où les banquiers se paient des boni de l’ordre de ceux de 2007 avec l’argent du peuple, nous n’avons pas fini d’entendre parler d’enquêtes reliées à ce que je qualifie de pillage de l’Amérique par un petit groupe de financiers et leurs amis.
Paul Dontigny, lesaffaires.com (Montréal)