Par Ambrose Evans-Pritchard.
Alors que la crise grecque s’aggrave, les craintes d’une sortie de l’euro atteignent un point tel, que la Banque Centrale Européenne se voit contrainte de publier une analyse juridique des conséquences qu’aurait à subir un pays tenté de quitter l’Union Monétaire.
“Les évolutions récentes ont peut-être augmenté le risque de sécession, ainsi que de l’urgence d’y faire face comme scénario possible,” indique le document, intitulé “Retrait et expulsion de l’Union Européenne et de l’Union Monétaire Européenne: quelques réflexions.” Ceux qui soupçonnent la Cour Européenne d’avoir des velléités de puissance dignes de la papauté médiévale, trouveront de quoi confirmer leurs craintes dans ce texte étonnant.
Un demi-siècle d’union toujours plus étroite a créé un “nouvel ordre juridique” qui transcende la notion “largement obsolète de souveraineté” et impose une limitation “permanente” sur les droits des États.
Tous les membres de l’UE devant prendre part à l’UEM (sauf la Grande-Bretagne et le Danemark), le texte affirme principalement que la sortie de la zone euro entraînerait l’expulsion de l’Union européenne. Il s’agit d’un coup de semonce pour la Grèce, le Portugal, l’Irlande et l’Espagne. Si ces nations ne parviennent pas à faire adhérer leurs populations à des plans d’austérité draconiens, elles risquent d’être jetés aux oubliettes islandaises.
Le chef de la BCE Jean-Claude Trichet fait monter la pression, en indiquant que la banque ne modifiera pas ses règles communes de garantie pour soulager la dette grecque. “Aucun État ne peut attendre un quelconque traitement de faveur“, dit-il.
Cette euro-corde raide doit être très déconcertante pour les socialistes helléniques (PASOK). Le taux d’intérêt à six mois est passé à 1.38% contre 0.59% il y a un mois. Le rendement des obligations à 10 ans a atteint 6 %. La Grèce doit recueillir 54 milliards cette année. Le déficit ne peut pas être ramené de 12.7% du PIB à 3% du PIB dans les trois ans. Ainsi que l’agence de notation Moody’s l’a relevé, la Grèce (tout comme le Portugal) est confrontée au risque de “mort lente” par l’augmentation du coût des intérêts de la dette.
Stephen Jen de BlueGold Capital a déclaré que les défauts de conception de l’union monétaire sont de plus en plus évidents. “Je ne crois pas à une rupture de l’Euroland: trop de capital politique a été investi au cours des 50 dernières années dans la zone euro pour qu’on se permette une rupture pure et simple. Toutefois, de graves «fractures» sont tout à fait probables dans les années à venir. ”
Comme le Portugal, l’Italie, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne (PIIGS) sombrent dans la déflation, leur «véritables» taux d’intérêt augmenteront encore plus.
La ligne de fracture Nord-Sud pourrait causer des problèmes, mais il y aura toujours une possibilité de renflouement pour éviter un effet domino. «Si une opération de sauvetage s’avère nécessaire, une opération de sauvetage sera montée,” a déclaré Marco Annunziata d’Unicredit.
Seule la Grèce en Europe occidentale traite le budget militaire tel un secret d’État. Les agences de notation pense que cela représente un ruineux 5% du PIB. Est-ce que le pays a vraiment besoin de 1700 chars de combat, de 420 avions de combat, et de huit sous-marins? S’agit-il de lutter contre l’OTAN, allié de la Turquie? Le simple fait de poser la question entraîne dans des eaux dangereuses.
Qui sait ce que l’équipe de surveillance du FMI a fait lors de sa mission à Athènes. La formule du Fonds pour les pays en expansion-récession qui gaspillent leur compétitivité consiste à retrancher et à dévaluer. Mais la dévaluation est exclue. La Grèce doit supporter la douleur, sans en guérir.
La politique est folle et sans doute cynique. Il faut saigner une société afin de défendre l’idéologie du projet européen. La dette nationale de la Grèce constituera 120% du PIB cette année. Standard & Poor’s indique qu’elle atteindra 138% en 2012. Un resserrement budgétaire – sans aucune compensation monétaire ni plan de relance – causera l’effondrement des recettes fiscales. La dette va donc augmenter encore plus sur une base économique diminuée.
Même si la Grèce pouvait réduire les salaires sans déclencher de protestations de masse, il lui manquera toujours une ouverture économique et un secteur d’exportation, contrairement à ce qui pourrait encore sauver l’Irlande, dans des circonstances analogues. La Grèce est ainsi prise au piège de la déflation.
Le ministre du Travail Andreas Loverdos indique que le nombre de chômeurs pourrait atteindre un million cette année – soit 22 pour cent des actifs, ce qui, aux États-Unis, équivaudrait à 30 millions de sans-emploi. Il a annoncé ce état de fait avec un soupçon de menace, comme s’il voulait embarrasser l’Europe.
Telegraph
(Traduction libre de Fortune. Merci à Pakc)