Mohamed Hadfi avait arraché les yeux de sa femme pour des motifs échappant au sens commun. Durant le procès criminel, conduit par le président Maurice Bestagno, le témoignage de la victime, Samira Bari, résonna dans le prétoire comme un véritable réquisitoire décrivant l’atrocité du geste. La séparation et la perspective d’une hypothèque sur la possibilité d’obtenir sa régularisation ont peut-être fait basculer cet homme.
Depuis le box des accusés, il avait expliqué son geste par un accès de folie. Face à lui, Samira Bari, irrémédiablement aveugle, écouta l’accusé tenter de s’expliquer. Lorsqu’elle prit la parole avec une voix enfantine, le récit de ses souffrances pétrifia littéralement l’auditoire. Les jurés tentèrent d’étouffer des spasmes d’horreur, de peur ou de dégoût. Le public resta mutique. Les avocats de la défense (M es Ferri et Cabanes) essayèrent avec difficulté de rester de marbre. « Ce mercredi-là, je ne l’oublierai jamais. Il a commencé par l’oeil droit. La douleur était épouvantable, mes yeux tombaient, je ne voyais plus, je ne sentais plus mes veines, ma tête. Je suis tombée, je n’avais plus de force. J’ai essayé de trouver le chemin pour sortir, je marchais à quatre pattes. Je suis tombée devant la porte. J’ai crié “Je ne vois plus rien, remettez-moi mes yeux !” Je ne lui pardonnerai jamais.»
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(Merci à Gardois)