Avant la mi-février, l’Union européenne devra décider du sort de la Grèce. Cette dernière est d’après certains au bord de la crise financière alors que d’autres, ne contestant pas qu’elle subisse cette crise, estiment qu’elle n’est pas encore en faillite.
A la fin de cette semaine, Bruxelles doit annoncer sa réaction au plan extraordinaire grec de réduction du déficit budgétaire et de la dette publique totale. Le 11 février, le sommet économique extraordinaire de l’UE doit décider que faire de la Grèce. Le problème est que plus personne dans l’Union européenne n’arrive à comprendre quels chiffres et quels plans des Grecs sont crédibles.
Le défaut de paiement de la Grèce entraînera automatiquement une baisse de confiance en l’euro, un accroissement du “coût” des emprunts pour tous les pays de la zone euro et, par conséquent, une nouvelle vague de crise. Les Grecs nous ont donné le mot “crise” (κρίσις, krisis: jugement) et ils continuent, semble-t-il, à perfectionner sa signification.
Une chose est sûre: le “problème grec” incitera certainement l’Union européenne à revoir radicalement les méthodes et tout le système de collecte de statistiques économiques au sein de la communauté, à assainir fondamentalement la zone euro et à renforcer la discipline financière au sein de l’UE. En ce sens la Grèce joue certainement le rôle de moteur du processus d’intégration européenne.
L’exemple grec enseigne que, si on ne le fait pas maintenant, la zone euro (qui regroupe 16 des 27 membres de l’UE) sera menacée de désintégration.
Il reste à savoir si la Grèce est à même de trouver de l’argent (la Banque centrale de l’UE n’a pas le droit, conformément à son statut, de “racheter” les dettes de tel ou tel pays) pour rembourser les créanciers et résorber le déficit budgétaire. Mais aucun oracle ne pourrait prédire un tel succès.
La crise financière actuelle de la Grèce a commencé en octobre 2009 aussitôt après la défaite des conservateurs et l’arrivée au pouvoir du gouvernement socialiste de Georgios Papandréou (PASOK). Le nouveau gouvernement a tout de suite revu les statistiques publiées par son prédécesseur et il s’est avéré que le déficit du budget d’État était non pas de 3,7%, mais de 12,7%.
Cela dépasse de plus de 4 fois le maximum des 3% admissibles selon les règles adoptées dans la zone euro (bien qu’elles ne soient respectées par personne, dépasser les 4 à 6% est jugé déplacé). La dette publique totale (extérieure et intérieure) d’Athènes a été estimée, début décembre, à environ 300 milliards d’euros (selon l’affirmation des Grecs, plus de 294 milliards d’euros), soit 113% du PIB du pays. D’ici la fin de l’année, elle pourrait atteindre 120,4%.
Cette dette n’est pas encore une catastrophe. Celle de certains pays du monde est bien plus importante. Le Japon, par exemple, a accumulé une dette d’environ 200% du PIB. Elle est à peine moins importante aux États-Unis. Néanmoins, ils vivent.
La situation est pire en Europe de l’Est. En Estonie, la dette extérieure constitue 140% du PIB, en Hongrie, environ 160%, de même qu’en Roumanie. En Islande, elle est évaluée à 924% du PIB. Mais ni l’Estonie, ni la Hongrie ou la Roumanie ne font partie de la zone euro et l’Islande n’est pas membre de l’UE.
En 1998, la Russie avait une dette extérieure de 146,4% du PIB et, en janvier 2009, elle a été évaluée à 40,6 milliards de dollars soit 2,4% du PIB. Grâce au pétrole et au gaz, elle devance l’Europe pour cet indice.
Le déficit et les dettes de la Grèce provoquent déjà une baisse du cours de l’euro et un renforcement du dollar. On peut donc prévoir que, si le dollar continue à remonter, cela provoquera la chute des prix du pétrole en dollars. Et que par conséquent la Russie aura moins de recettes sur la vente d’hydrocarbures et qu’il lui faudra corriger son budget.
La Grèce a promis de réduire le déficit budgétaire à 8% à la fin de cette année et à moins de 3% d’ici 2012. Pour ce faire, il faudrait non pas diminuer, mais supprimer TOUTES les dépenses pour les besoins sociaux, les retraites, les allocations chômage, les dépenses pour la Santé, l’éducation, réduire les salaires dans le secteur public et accroître considérablement les impôts sur le revenu et les impôts indirects.
Pour résorber le déficit, le gouvernement socialiste prévoit de procéder à une privatisation massive de toutes les compagnies publiques, à l’exception des petites ; d’adopter des lois permettant aux sociétés privées de réglementer les salaires de leurs employés (en les réduisant).
Habituellement, ni les socialistes, ni d’autres gouvernements ne prennent ce type de mesures, à moins qu’ils ne prévoient un suicide.
C’est pourquoi rares sont aujourd’hui ceux dans l’UE qui croient à la possibilité des Grecs d’accomplir ce projet. Ce qui rassure un peu les experts, c’est que les fils de l’Hellade se sont probablement (mais pas sûrement) de nouveau trompés dans leurs statistiques économiques.
A présent, les conservateurs disent que le déficit n’est pas si terrible et que les socialistes exagèrent sciemment les chiffres pour que leur victoire aux élections soit plus probante dans le contexte de l’inexistence de dettes et de déficit.
La question est de savoir si l’UE peut réussir à apprendre – et dans quel délai – les données authentiques sur la dette extérieure et le déficit budgétaire de la Grèce.
Si le pays est vraiment au bord du défaut de paiement, elle entraînera dans son sillon (si, bien entendu, elle n’arrive pas à régler elle-même ses problèmes, ce qui est peu probable) tous les autres pays à “économie périphérique de l’UE.” C’est-à-dire le Portugal, l’Irlande, l’Italie et l’Espagne. Lisbonne, Dublin, Rome et Madrid ont déjà des déficits considérables et des dettes extérieures immenses.
(Merci à Gérard Le Savoyard)
Ria Novosti