La France compte 3,5 millions de mal-logés et dix millions de ses habitants sont affectés, de près ou de loin, par une crise du logement qui ne cesse de s’aggraver, prévient la Fondation Abbé Pierre. Dans son 15ème rapport annuel, publié lundi, l’organisation souligne que “l’aggravation progressive de la crise du logement aboutit à un vrai problème de société” dont les autorités ne semblent pas avoir mesuré l’ampleur.
Aux 3,5 millions de mal-logés s’ajoutent 6,5 millions de personnes fragiles, susceptibles de basculer à tout moment dans cette première catégorie, en cas d’éclatement de la famille ou de perte d’emploi, par exemple. “Le fait d’être logé ne signifie pas qu’on est à l’abri des difficultés“.
La crise du logement est bien antérieure à la crise financière, puis économique, qui a submergé le monde à partir de l’été 2008, alors que ni ses manifestations ni ses causes n’ont été traitées.
Le problème du logement “s’ancre dans la durée” et la crise “ne fait que renforcer des difficultés qui perduraient depuis longtemps“, renchérit Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre.
Les Français sont conscients du problème : selon une enquête Nexity citée par le rapport, 80% estiment qu’il est aujourd’hui difficile de trouver un logement.
Premier constat : la France manque cruellement de logements, avec un déficit de plus de 900.000 environ, toutes catégories confondues. Chaque année, entre 2,5 et trois millions de personnes se mettent en recherche de logement ; les demandes de logements sociaux s’élèvent à 1,2 million et le nombre de personnes sans domicile fixe avoisine les 100.000.
Creuset des inégalités
Autre constat : se loger coûte de plus en plus cher. Les Français consacraient à leur toit, en moyenne, 7.900 euros par an en 2002, contre 9.700 cinq ans plus tard, soit une hausse de 23%. Les charges ont augmenté aussi, surtout à cause du chauffage : +20% entre 2001 et 2007, portant à 3,4 millions le nombre de ménages touchés par la précarité énergétique.
En 2006, 1,8 million de ménages disaient avoir des difficultés à payer leur loyer et 500.000 ne l’avaient pas payé depuis deux mois, au risque d’être expulsés. Le nombre d’expulsions a d’ailleurs explosé – leur nombre a augmenté de 25 à 50% entre 2002 et 2008 selon les études citées par le rapport.
“Le logement est producteur d’exclusion et peut être considéré comme le creuset des inégalités“, estiment les auteurs. En une quinzaine d’années (1992-2006), le poids du coût du logement s’est en effet considérablement alourdi pour les 20% de ménages les plus modestes, alors qu’il est resté relativement stable pour les 20% de ménages les plus aisés.
“Tout se passe comme si à la panne d’ascenseur social se superposait une panne de l’ascenseur résidentiel“, souligne le rapport.
Au chapitre des propositions, la Fondation demande d’imposer, dans tout programme immobilier de plus de 10 logements, un quota minimum de 30% de logements à bas loyers. Elle suggère un nouveau Plan de cohésion sociale sur cinq ans, permettant de mettre sur le marché 150.000 logements sociaux par an.
La Fondation propose un “grand deal” entre les pouvoirs publics et les propriétaires, qui devraient être incités à remplir les logements vacants et contraints de limiter les hausses de loyers en cas de changement de locataires.
Elle suggère, pour 2010, une hausse de 12% du montant des aides personnelles au logement et l’attribution d’un “chèque énergie” aux ménages les plus modestes. Est également réclamée, “la suspension des expulsions locatives des personnes de bonne foi“, jusqu’à la fin de l’année.
Reuters