Pire que la grande dépression de 1929, tel est le sort réservé aux Lettons. Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), la chute du PIB entre 2008 et 2010 devrait atteindre 30 %, soit autant qu’entre 1929 et 1933 aux États-Unis. Sur les deux dernières années, c’est deux fois plus que la crise asiatique de 1997 et cela dépasse aussi la crise argentine de 2001.
Selon l’estimation publiée mardi, l’économie lettone a encore reculé de 17,7 % au quatrième trimestre, ce qui représente une baisse pour l’année dernière de 18,4 %, après un recul de 4,6 % en 2008. Il s’agit aussi de la plus forte baisse dans l’Europe des Vingt-Sept.
Si la récession est aussi profonde dans le petit État balte, entré dans l’UE en mai 2004, c’est du fait de l’ancrage de sa monnaie à l’euro. La Lettonie a choisi un mode de change très fixe, qui limite la fluctuation à plus ou moins 1 %. Adopté très tôt après l’indépendance en 1991, ce régime visait à gagner en crédibilité et contenir l’inflation. Il a d’ailleurs eu des effets positifs.
«Entre 2002 et 2008, la croissance a été tirée par le crédit abondant, une fiscalité attractive et les flux de capitaux», explique Juan Carlos Rodado, de Natixis. Les perspectives d’adhésion à l’euro ont également attiré les entreprises.
Mais après les années d’euphorie, de croissance à deux chiffres, où les ménages et les entreprises ont massivement emprunté, le «tigre» balte a subi de plein fouet l’arrêt brutal des flux de capitaux, l’explosion de la bulle immobilière et l’effondrement du commerce mondial.
Sous l’effet de ces trois chocs, les clignotants ont viré au rouge vif : production et investissements en chute libre, consommation en berne et un taux de chômage qui a triplé en quelques mois, atteignant près de 19 %.
Pour refaire surface, la Lettonie ne peut utiliser l’arme de la dévaluation : ce serait un désastre pour les 89,3 % de prêts libellés en devise étrangère et cela la priverait aussi de l’aide internationale. Ce n’est qu’au prix de coupes budgétaires que le gouvernement a pu obtenir un plan de financement de 7,5 milliards d’euros auprès du FMI, de l’UE, de la Banque mondiale et des pays nordiques.
La seule issue pour restaurer la compétitivité est d’opérer une «dévaluation interne», en coupant drastiquement dans les dépenses et en augmentant la pression fiscale. La chute des salaires dans le secteur privé a atteint 30 %, le salaire minimum a été réduit de 20 %, à 140 euros par mois, les retraites ont baissé de 10 %, les salaires des enseignants ont chuté de 50 % et les dépenses de santé ont été amputées d’un tiers.
Malgré ce plan d’austérité, le déficit, qui n’était que de 4 % en 2008, va atteindre 10 % pour 2009 et la dette devrait passer à 50 % en 2010, contre 9 % en 2007, voire à 89 % en 2014 si rien n’est fait. «Contrairement à l’Estonie et la Lituanie, la Lettonie n’a pas profité des années de croissance pour dégager du surplus budgétaire», relève l’économiste de Natixis.
Et les perspectives d’adhésion à l’euro sont désormais reportées aux calendes grecques, contrairement à ses deux voisins qui se sont fixé des échéances précises. La Lituanie vise 2014, comme l’a indiqué mardi le premier ministre, Andrius Kubilius, qui promet un train de mesures structurelles pour y parvenir. Quant à l’Estonie, elle est engagée dans un processus d’adoption pour 2011.
Le Figaro