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Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec), autorité mondiale du réchauffement climatique, est sur la sellette. Sa structure et ses prévisions soulèvent des interrogations.

Rajendra Pachauri, président du Giec

Ça chauffe pour le Giec. L’organisme de l’ONU, dont les rapports ont largement contribué à placer l’urgence climatique au centre des débats diplomatiques du monde, doit faire face à ses détracteurs. Cinq scientifiques de renom, qui avaient collaboré à ses travaux, s’attaquent à l’institution dans l’édition de mercredi [10 février 2010] de la revue Nature et préconisent de le transformer.

Car le Giec, ces derniers temps, n’a pas franchement brillé. L’assemblée d’experts a ainsi reconnu en janvier que la prévision qu’elle avait faite, dans son rapport de 2007, d’une disparition des glaciers de l’Himalaya vers 2035, était « une regrettable erreur ».

Car la fonte en question n’est envisageable, en vérité, que vers 2350 ! Cette monumentale erreur de trois siècles, dans un rapport qui avait notamment permis au Giec d’empocher le prix Nobel de la paix, inquiète. Les principales négociations mondiales sur le climat, dont le récent sommet de Copenhague, se basent en grande partie sur les rapports du Groupe

Copenhague, justement, avait été en décembre dernier le théâtre de l’affaire du « Climategate ». Deux semaines avant le sommet, la divulgation d’e-mails échangés entre les grandes pontes scientifiques du climat, parmi lesquels des cadres du Giec, laissait entendre que ceux-ci s’étaient mis d’accord pour avoir un discours commun sur le danger du réchauffement climatique alors que certains d’entre eux en doutaient.

Dans le courant du mois de janvier, c’est la presse britannique qui s’était à son tour déchaînée sur le Giec, accusant l’organisme d’avoir basé l’un de ses rapports sur l’obscur travail d’un étudiant et sur un simple article d’un magazine d’alpinisme. Des accusations que le Giec avait qualifiées de « mensongères ».

Les « anti-réchauffement » se sont depuis rabattus sur le très controversé président du Giec, l’Indien Rajendra Pachauri, qui vient au passage de publier un roman en partie autobiographique, mêlant réincarnation et… relations sexuelles.

N’en jetez plus, le Groupe prend l’eau, et l’article de la revue Nature le confirme. Selon Mike Hulme, de l’université britannique d’East Anglia, les structures du Giec sont « périmées ». Il souhaite des rapports plus courts et plus concrets.

Eduardo Zorita, depuis l’Allemagne, veut transformer « cet espace flou entre la science et la politique » en une agence indépendante, à l’image de la Banque centrale européenne. Et John Christy, depuis les Etats-Unis, préconise de créer à la place du Giec une encyclopédie scientifique vivante ressemblant à Wikipédia.

Vingt et un ans après sa création, l’institution bat sacrément de l’aile, apportant de l’eau fraîche au moulin des climatosceptiques, pour lesquels l’origine humaine du réchauffement climatique reste à prouver. Le Giec peut sans doute évoluer, mais il n’aura pas trois siècles pour le faire.

France Soir

Un autre article sur le sujet, avec un historique des dernières péripéties :

Ça chauffe pour le Giec

Depuis le “Climategate”, gigantesque opération de piratage de mails de climatologues, la pression monte contre le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Dernier épisode fâcheux : la publication par son président Rajendra Pachauri d’un roman rose édité par un magnat indien de l’or noir… Retour sur trois mois de chaudes tensions.

Le 19 novembre 2009, des hackers s’introduisent dans les serveurs de l’unité de recherche sur le climat (CRU) de l’université d’East Anglia (Royaume-Uni), dont les travaux font autorité. Cette correspondance privée de plusieurs climatologues, dont certains collaborent à l’élaboration des rapports du Giec, est divulguée sur un site Web russe. Elle est aussitôt reprise dans le monde entier par des sites “climato-sceptiques” qui invoquent des manipulations de données, la volonté de ne pas partager certaines informations et une certaine virulence à l’égard des “climato-sceptiques”.

En particulier, le directeur de l’unité de recherche, Phil Jones, évoquerait le recours à “une ruse” ou “une astuce” pour modifier des relevés de température et “dissimuler une baisse” (“I’ve just completed Mike’s Nature trick of adding in the real temps to each series for the last 20 years (ie from 1981 onwards) amd from 1961 for Keith’s to hide the decline”, indique le mail piraté diffusé sur le Web).

Le 1er décembre, Phil Jones quitte provisoirement ses fonctions afin que puisse se dérouler une enquête indépendante sur l’affaire, affirmant que l’idée d’une conspiration pour exagérer le rôle de l’homme dans le réchauffement climatique est “de la totale idiotie” et qu’il est “absolument” certain de la qualité des recherches de son laboratoire. Le responsable de la recherche à l’université, Trevor Davies estime que la divulgation de leurs mails est “le dernier exemple en date” d’une “campagne” visant à attaquer la climatologie.

Le 3 décembre, la revue scientifique de référence Nature estime dans son éditorial que cette affaire est “risible”, car “rien, dans ces mails, ne remet en cause le fait scientifique que le réchauffement est réel et que les activités humaines en sont presque certainement la cause”.

Le 4 décembre, Sara Palin, ex-rivale d’Obama, très liée aux foreurs de l’Alaska, appelle au boycott du sommet de Copenhague à la suite de l’affaire, baptisée “Climategate” aux Etats-Unis.

Début décembre, deux Canadiens, le climatologue Andrew Weaver et l’écrivain James Hoggan, accusent des lobbies industriels américains d’être derrière le Climategate. Pour Andrew Weaver, ces lobbies “profitent de l’analphabétisme scientifique du public”.

Le 7 décembre, à l’ouverture du Sommet de Copenhague, le délégué saoudien Mohammed Al-Sabban estime que “le niveau de confiance est affecté” et réclame une enquête internationale sur le Climategate.

Le 9 décembre, l’American Geophysical Union (AGU), qui regroupe 50 000 chercheurs en sciences de la Terre, exprime son soutien aux climatologues piratés.

Au 10 décembre, plus de 1700 chercheurs britanniques ont signé la pétition du Met Office contre l’“attaque sans précédent visant à nous discréditer, nous et la science du changement climatique”.

Le 20 décembre, The Sunday Telegraph accuse Rajendra Pachauri de profiter de sa position à la tête du Giec pour accumuler, à son bénéfice personnel, des contrats avec des entreprises intéressées par les politiques liées au changement climatique. Le Teri (The Energy and Resources Institute), que dirige par ailleurs Rajendra Pachauri, dément.

Le 17 janvier 2010, The Sunday Times affirme que le dernier rapport du Giec (2007) donne dans un paragraphe une estimation erronée de la date de disparition des glaciers de l’Himalaya. “Le deuxième volet du rapport fait en effet état, à la page 493, d’une disparition de ces glaces d’altitude en 2035”, note Le Monde. Un chiffre erroné issu non de travaux scientifiques mais d’un rapport de 2005 du WWF, qui lui-même s’inspirait d’un article de presse publié en 1999 par l’hebdomadaire New Scientist.

Le 20 janvier, le Giec reconnaît l’erreur, présente ses excuses et corrige le rapport de 2007. Mais il fait valoir qu’elle ne figurait pas dans le “Résumé à l’intention des décideurs”, le document d’une vingtaine de pages adressé aux politiques et qui résume les points clés du rapport..

Le 22 janvier, la commission des sciences et technologies du Parlement britannique lance une enquête parlementaire sur l’affaire. Conclusions attendues en mars.

Le 24 janvier, The Sunday Times fait un lien entre l’erreur commise par le Giec sur les glaciers himalayens et les levées de fonds du Teri : l’institut indien de Rajendra Pachauri aurait ainsi mis en avant la disparition des glaces himalayennes en 2035 pour susciter une dotation de la Carnegie Corporation de New York, et une autre de l’Union européenne (UE) dans le cadre du projet High Noon. Interrogé par Le Monde, le glaciologue Syed Hasnain, chercheur au Teri, assure que son institut “n’a jamais approché la Carnegie Corporation [pour obtenir des fonds] dans le cadre de son programme sur les glaciers”. George Soule, responsable de la communication de la Carnegie Corporation, confirme que celle-ci “a approuvé un financement unique de 500 000 dollars au Global Center, un centre de recherche à but non lucratif basé en Islande”. “Ce n’est qu’ensuite”, ajoute en substance M. Hasnain, “que le Global Center a proposé une association avec le Teri”, indique Le Monde.

Le 24 janvier, The Sunday Times croit savoir qu’une autre erreur s’est glissée dans le dernier rapport du Giec : l’organisme se serait appuyé sur une étude non publiée, menée par Robert Muir-Wood, pour affirmer que le changement climatique favorise les phénomènes extrêmes – tempêtes, cyclones, etc.
“Cette fois-ci, c’est l’erreur du Sunday Times”, déclare son vice-président, Jean-Pascal van Ypersele au Monde. “Le journal confond deux choses très différentes que sont le lien possible entre réchauffement et pertes économiques dues aux phénomènes extrêmes [objet des travaux de Robert Muir-Wood] et le lien possible entre le réchauffement et les phénomènes extrêmes eux-mêmes…”

Lundi 25 janvier, dans un entretien accordé à la BBC, Rajendra Pachauri exclut toute démission de la présidence du Giec.

Lundi 1er février, dans un entretien accordé à The Independent, David King, conseiller scientifique en chef de Tony Blair de 2000 à 2007, estime que le Climategate est “probablement” une opération menée par une “agence de renseignement”, dont le but aurait été de torpiller la conférence de Copenhague, qui s’est tenue du 7 au 18 décembre.

Le 3 février, l’Américain Michael Mann, accusé comme Phil Jones par les “climato-sceptiques” d’avoir manipulé des données dans cette affaire du Climategate, est blanchi au terme d’une enquête menée par l’Université d’Etat de Pennsylvanie.

Le 3 février, Le Guardian affirme qu’une importante étude de Phil Jones se base sur des données erronées provenant de stations météorologiques chinoises. Dans un avis officiel, l’Université d’East Anglia prend la défense de Phil Jones, expliquant notamment que l’écart en question ne change pas grand chose aux conclusions de l’étude. Jean Jouzel explique à ce propos dans Libération: “Il faut informer correctement le public: les incertitudes sur des stations météo dans l’est de la Chine il y a trente ans, publiées dans un article de 1990 – c’est de cela qu’il s’agit – ne vont pas changer les courbes de températures planétaires de façon palpable.”

Le 4 février, John Sauven, directeur de Greenpeace Royaume-Uni, estime dans le Times que Rajendra Pachauri doit démissionner car “si nous avons une nouvelle personne avec un esprit ouvert [à la tête du Giec], alors la confiance reviendra”.

Le 5 février, le directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), Achim Steiner, défend le Giec dans une tribune : “Il est juste de pointer les erreurs, de faire les corrections nécessaires et de vérifier et de revérifier les sources pour des raisons de précision et de crédibilité. Mais il faut également laisser de côté le mythe selon lequel la science des changements climatiques se déverse dans une mer de mensonges.”

Le 5 février, le Giec confirme qu’il est en train de vérifier, à la demande du gouvernement néerlandais, si un autre chiffre du rapport de 2007 est juste : il y est indiqué que plus de la moitié des Pays-Bas est en dessous du niveau de la mer. Le Giec serait parvenu au chiffre surprenant de 55% en additionnant la part du territoire néerlandais en dessous du niveau de la mer (26%) à la part du pays menacée par le débordement des fleuves et des rivières (29%), explique L’Humanité.

Le 8 février, Phil Jones laisse entendre au Sunday Times qu’il a envisagé le suicide, accablé par toute cette affaire.

Le 8 février, Rajendra Pachauri signe Retour à Almora, un roman “en partie autobiographique” mêlant réincarnation et aventures sexuelles. Un livre édité par… Mukesh Ambani, le richissime patron indien de la société gazière et pétrolière Reliance Industries, révèle le Times, qui dénonce le mélange des genres. La fête de lancement, aurait en outre été payée par la filiale indienne de la multinationale britannique du pétrole BP, principal soutien financier du Teri, l’institut dirigé par Rajendra Pachauri.

L’Express

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