Par le Père Augustin
Retour sur le Carême : Merci à tous ceux qui sont intervenus dans la discussion sur le Carême. Faire un bon Carême, c’est d’abord accepter de se voir chacun tel que l’on est. A cet égard, le premier instrument d’un bon carême c’est ce que l’on appelle l’examen de conscience ou la « révision de vie ». Chaque jour, on peut ainsi s’examiner sur le ou les points que l’on a décidé de surveiller. Il y a trois grands axes d’un bon Carême : la pénitence (essentiellement mais pas uniquement sur la nourriture), les « bonnes œuvres » (l’aumône, mais aussi le service que l’on rend ici ou là) et la prière (prière personnelle, lecture spirituelle, messes chaque jour ou plus souvent que le dimanche, qui est la messe dite « de précepte »). Comme je vous le disais le Carême est un exercice personnel, pas un rite communautaire : le carême de l’un ne ressemble donc pas forcément au Carême de l’autre.
L’Evangile d’aujourd’hui est celui des trois tentations du Christ au désert. Dans l’Ancien Testament, il y avait ce mot de ben Sirach le sage : « Mon fils si tu veux entrer au service du Seigneur, prépare ton âme à la tentation » (Ecclésiastique 2). Le Messie lui-même a connu ces tentations, qui ne sont pas une idée saugrenu de Martin Scorcese. Il y a dans l’Evangile une dernière tentation du Christ, celle de renoncer à sa mission.
Elle se déroule au Jardin des Oliviers, « dans un lieu appelé Gethsémani » : « Il commença à ressentir effroi et angoisse et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui coulaient jusqu’à terre » remarque saint Luc. Le Christ, qui a un lien vital avec son Père, est parfaitement maître de lui-même parce qu’il voit Dieu continuellement (comme Adam et Eve au Paradis : ces deux-là « virent qu’ils étaient nus » après avoir désobéi à Dieu. Cela ne signifie pas, je le précise, que l’instinct sexuel n’existe pas avant le péché : il est constitutif de l’homme et de la femme. Mais cela veut dire qu’Adam et Eve étaient parfaitement maître d’eux-mêmes tant qu’ils vivaient dans la proximité avec Dieu). « Qui de vous me convaincra de péché ? » dit le Christ fièrement aux gens de Jérusalem qui ne comprennent pas son enseignement (Jean 7).
Les trois tentations du Christ que l’Evangile d’aujourd’hui met sous nos yeux, ne sont donc pas des tentations ordinaires mais des tentations qui portent sur sa mission. Elles proviennent de l’effort particulier de jeûne et de prière qu’il entreprend durant quarante jours au Désert. Elles sont l’effet de « l’Esprit malin », de celui que la Bible appelle « Satan » – c’est-à-dire l’adversaire – ou encore « diabolos », le diviseur, celui qui parvient à nous diviser d’avec nous-mêmes. Le Christ affaibli par son long jeûne est entre les mains de l’Adversaire qui joue avec sa sensibilité et son imagination (« la folle du logis » comme disait le philosophe Malebranche).
Première tentation : « Ordonne que ces pierres deviennent du pain ». Sers toi à ton profit de la puissance que Dieu a mise en toi.
Deuxième tentation : Le diable emporte Jésus en esprit sur le Pinacle du Temple et lui dit : « Jette toi en bas car il est écrit « Ses mains te porteront pour que ton pied ne heurte pas la pierre. C’est la tentation de « Jésus super star », qui utiliserait sa puissance pour « se faire voir » aux yeux des hommes.
Troisième tentation : Le diable lui fit voir « tous les royaumes de la terre avec leur puissance et leur gloire ». – Tout cela t’appartient si, te prosternant devant moi, tu m’adores ! C’est la tentation du compromis avec Satan que le Christ appelle souvent « le Prince de ce monde ». Le message de l’Evangile n’est pas de ceux qui nous font bien voir du « monde ». « Heureux serez vous si l’on vous calomnie, si l’on vous persécute, si l’on dit faussement toutes sortes de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans le Ciel ».
Comment comprendre cette hostilité, qui est manifeste encore aujourd’hui entre le monde et le chrétien ? Dans la Cité de Dieu, saint Augustin cite Ovide : « Veritas parit odium » » « La vérité engendre la haine ». La vie spirituelle n’est pas le chemin bien plan d’une prise de conscience purement philosophique. Elle se présente toujours comme un combat intérieur. Les belles choses sont difficiles !
Cette semaine nous avons « en prime » par rapport au Carême, les Quatre temps de printemps, mercredi, vendredi et samedi, qui, dans le jeûne et la prière, consacrent la saison à Dieu selon une vieille coutume d’origine romaine.