Bercy cherche des marges de manœuvre pour tenir ses engagements de déficits. Les dépenses d’équipement des armées pourraient être remises en cause.
Au ministère du Budget, on travaille d’arrache-pied sur la prochaine loi de programmation des finances publiques, celle qui couvrira les années 2011 à 2013. Et l’exercice ressemble à la quadrature du cercle.
Car le gouvernement français s’est engagé vis-à-vis de Bruxelles à ramener le déficit public total de l’Hexagone – État, Sécu et collectivités locales réunies – de 8,2 % en 2010 à 3 % du PIB en 2013. Pour tenir cet objectif, Paris a prévu que les dépenses du seul État ne progressent pas plus vite que l’inflation (stabilisation en volume). Compte tenu de la hausse des charges d’intérêt de la dette et du coût des retraites des fonctionnaires, cela implique un gel en euros des dépenses des ministères.
Or, l’un d’entre eux, celui de la Défense, a droit à un régime beaucoup plus favorable. Après des années de basses eaux, Nicolas Sarkozy a décidé de mettre les armées françaises aux meilleurs standards mondiaux en les rééquipant massivement. Entre 2009 et 2014, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM), un peu plus de 100 milliards d’euros, soit en moyenne 17 milliards par an, seront consacrés à l’achat de matériels de toute sorte : frégates multimissions, avions de combat Rafale, véhicules blindés de combat et d’infanterie VBCI ou encore l’équipement Felin pour le fantassin du futur.
En contrepartie de cet investissement sans précédent, les militaires se sont engagés dans une vaste restructuration. Fermeture de casernes ou bases aériennes, externalisation de pans entiers d’activité, le tout avec à la clef 47 600 suppressions de postes entre 2009 et 2014.
Au total, la balance reste positive pour la Défense. Selon la LPM, ses dépenses doivent augmenter en volume de 1 % en 2012, de 0,9 % en 2013 et 0,8 % en 2014. Soit une enveloppe supplémentaire de près de 1 milliard d’euros sur la seule année 2012.
Arbitrage en avril
Difficile à justifier alors que les autres ministères sont à la diète. Et Bercy est d’autant plus attentif que la Défense, avec ses 37 milliards de budget annuel, retraites comprises, représente le troisième poste de dépense de l’État, derrière l’Éducation nationale (61 milliards) et le service de la dette (44 milliards).
Comme les armées font déjà des efforts sur leur fonctionnement, c’est leur budget d’équipement qui est dans la ligne de mire. Interrogés, plusieurs industriels de l’armement s’inquiètent. Mais à l’hôtel de Brienne, on est décidé à se battre. La dépense en armement est «productive», explique-t-on dans l’entourage d’Hervé Morin, le ministre de la Défense. Elle est la locomotive de l’innovation, du développement des technologies dites critiques et assure un volant d’activité aux industriels français. La LPM apporte à EADS, Thales, Dassault Aviation, Safran, DCNS et autre Nexter un horizon de travail et de rentrée financière. «Toute renégociation de nos engagements pluriannuels coûtera très cher», avertit-on au ministère de la Défense. La bataille promet d’être serrée entre Bercy et la Défense d’ici à l’arbitrage final, en avril prochain.