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Par le Père Augustin

L’Eglise nous donne à lire le récit de la Transfiguration du Seigneur sur le Mont Thabor qui eut lieu devant trois des douze apôtres Pierre, Jacques et Jean. Ces trois apôtres peuvent voir ainsi le Christ dans sa gloire, entouré de Moïse (celui qui a reçu la Loi d’Israël sur le Mont Sinaï) et d’Elie (qui représente tous les prophètes d’Israël). On sait que le mot « Bible » est un mot tardif et que pour désigner la Bible (« le livre » en grec), à l’époque du Christ on parlait de : « la Loi et les prophètes ». Moïse et Elie symbolisent à eux deux toute la Bible.
Le Christ se montre à eux ainsi nous dit le texte en prévision de sa Passion, pour les préparer au spectacle abominable de son corps ensanglanté. Comme en a averti le prophète Isaïe (53) : « Du sommet de la tête jusqu’à la plante des pieds, il ne sera qu’une plaie ». Le Christ transfiguré annonce le Christ crucifié, car la crucifixion, si horrible soit-elle, n’est pas une défaite, mais encore une victoire de cet homme qui porte en lui toute la gloire du Père. « Par la mort, il a vaincu la mort ». La Transfiguration anticipe sur sa résurrection.

On comprend pourquoi l’Eglise nous fait lire ce récit alors que nous nous enfonçons dans le Carême. Elle veut nous donner de l’assurance, comptant que nous comprendrions que nous aussi nous allons être transfigurés, à l’image du Christ, comme le veut la parole de Dieu et comme le certifient Moïse et Elie, c’est-à-dire toute la foi juive.
De quelle transfiguration s’agit-il ? non pas de celle à laquelle rêve Pierre, le disciple zélé, qui « plane » déjà. « Il nous est bon d’être ici. Si tu veux, faisons ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie ». « Il ne savait pas ce qu’il disait » commente l’évangéliste. Il n’était plus tout à fait dans son bon sens. Il imaginait que le « carême de cette vie » était fini et que semblait venu le temps de la jouissance tranquille… Une voix du Ciel l’interrompt dans ses supputations de bonheur : « celui-ci est mon Fils bien aimé en qui j’ai mis mes complaisances. Ecoutez-le ».
Ne nous attendons pas nous non plus à « voir » le paradis sur la terre. Avant de voir, il nous faut « écouter ». Il nous faut recevoir la parole de Dieu et la prendre pour nous. Et cette Parole, il ne faut pas la recevoir de Moïse et d’Elie, mais du Messie lui-même, pour la mettre en pratique.
Que signifie « écouter la Parole de Dieu » ? Je dirai concrètement deux choses : cela signifie reconnaître que le Christ est le « Fils bien aimé » du Père, car en le reconnaissant, nous devenons dignes de cette scène de transfiguration, nous comprenons que nous sommes, nous aussi, « des fils dans le Fils », des fils de Dieu par adoption dans le Fils de Dieu qui est par nature, et alors nous pouvons aspirer à avoir une tente auprès de Moïse et d’Elie dans le Royaume du Père, car « il y a des demeures, nombreuses, dans la Maison du Père ». Et à ce moment, oui, nous n’entendrons plus seulement, « nous verrons » Dieu face à face.
La difficulté du Carême, c’est que, comme le dit saint Paul, nous sommes dans l’épître aux Thessaloniciens que nous lisons aujourd’hui, « nous sommes appelés à la sainteté », mais, pour répondre à cet appel, nous avons à nous guider non pas par la vue mais par l’ouïe. Il ne nous est donné que cet appel, qui résonne dans la parole de Dieu. Les visions ne sont pas pour nous ! Le bonheur immédiat n’est pas notre lot et lorsqu’il nous est donné, il est souvent trompeur. J’aime beaucoup cette phrase de Soljenitsyne, le « zek » dans son Goulag : « ne crois pas au bonheur ! ne crains pas le malheur ! ».
Ne crois pas au bonheur tout de suite, en « ready made », comme l’apôtre Pierre. Ne crains pas non plus le malheur, car l’appel que tu as reçu de te mettre en route, pour ce Carême, n’est pas vain. Il résonne dans toute ta vie.

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