Le scénario noir tant redouté d’un chômage de masse des hommes en début de vie active est en train de se produire avec la crise: le chômage masculin des 15-24 ans atteint un record depuis 1975 en métropole. Fin 2009, un quart des jeunes ayant terminé ou quitté les études était au chômage (25,3%, contre environ 20% lors de la récession de 1993-94 et 5 à 6% après le premier choc pétrolier), selon un chiffre provisoire Insee.
Si un taux de chômage spécifique n’est pas encore disponible pour les jeunes vivant dans les quartiers concentrant les difficultés économiques liées à l’immigration et l’enclavement, on sait que dans les Zones urbaines sensibles (ZUS), il est le double de la moyenne métropolitaine.
Il atteignait ainsi en ZUS 18,8% au troisième trimestre 2009 contre 9,1% au plan national, a indiqué vendredi une source gouvernementale à l’AFP. Ce qui représenterait près de 50% pour les jeunes, un chiffre digne du tiers-monde.
Les jeunes femmes, qui “commencent à tirer profit de leur réussite scolaire” selon l’Insee, ont aussi du mal à trouver du travail (22,3% de chômage fin 2009 en métropole) mais moins que leurs camarades masculins et moins que dans le passé.
Plusieurs générations de femmes ont connu un chômage autour de 25% à leur sortie sur le marché du travail (en 1984, de 1994 à 1997 et en 2006) ce qui n’était jamais arrivé pour les hommes.
Selon l’Insee, “depuis 2007, le taux de chômage des femmes en début de carrière est plus faible que celui des hommes” et la crise a aggravé la situation du fait de la “moindre embauche dans le secteur de la construction dont la main d’oeuvre est essentiellement masculine”.
Ces données apparaissent en décalage avec les efforts du gouvernement et l’argent public dépensé pour l’emploi des jeunes, depuis 2008 avec le plan Espoir Banlieue et depuis 2009 avec le Plan Urgence Jeunes.
Le taux de chômage Insee contredit aussi les chiffres de Pôle emploi qui fin 2009 montrait un ralentissement encourageant des inscriptions parmi les jeunes.
“On ne mesure pas la même chose. L’Insee mesure le nombre de chômeurs, que le jeune soit inscrit ou non”, a expliqué à l’AFP l’Insee vendredi.
Les chiffres mensuels de Pôle emploi “mesurent le nombre de jeunes qui viennent frapper à la porte pour demander un emploi et bénéficier des services et de l’indemnisation. Quand l’indemnisation s’arrête, on peut être incité à ne plus s’inscrire et comme les moins de 25 ans ont peu ou jamais travaillé, ils sont moins indemnisés. Ce n’est donc pas étonnant qu’il y ait une différence entre le nombre de (jeunes) inscrits et le nombre de chômeurs”, selon l’Insee.
Les institutions de veille économique insistent régulièrement sur le problème français du chômage des jeunes, qui a donné lieu à plus de 80 mesures en trente ans.
Une des racines du mal est, selon l’OCDE, la survalorisation du diplôme initial en France qui scelle trop fortement le destin des jeunes.
Il y a quatre ans, les pouvoirs publics avaient été mis en garde dans un épais document (“Les métiers en 2015”) du Centre d’analyse stratégique (CAS).
L’ex-commissariat général au Plan montrait que les départs massifs en retraite ne suffiraient pas à réduire mécaniquement le chômage à long terme.
“Un scénario noir n’est pas à exclure”, à savoir la coexistence d’un chômage de masse, notamment parmi les hommes peu diplômés et des difficultés de recrutement pour certains bassins d’emplois ou métiers, écrivait-il.
Parmi les solutions avancées : une mixité qui permettrait d’orienter les hommes vers des métiers féminins (aide à domicile, assistante maternelle).