C’est un phénomène marginal par rapport au nombre de plans sociaux, mais il est en vogue depuis le printemps 2009.
Comment se passe une séquestration de patrons ?
Pour réussir une bonne séquestration de patrons : prenez quelques dizaines de salariés bouillants, ajoutez 1 à 2 dirigeants bien frais venus du siège, une poignée de journalistes frétillants, le tout dans un gros conflit social à la cocotte minute.
Ne pas laisser refroidir. Résultat au bout d’une nuit.
1er étape : le ras-le-bol
La première leçon d’une séquestration : “rien n’est prémédité,” nous dit Denis Parise, secrétaire CGT du comité d’entreprise Molex où les patrons avaient été retenus le 20 avril 2009.
Chez l’équipementier automobile, “les salariés ont vu que le groupe ne voulait rien entendre à leurs revendications (indemnités de départ), et ont décidé par consensus, de façon spontanée, de garder les dirigeants dans les locaux,” rappelle Denis Parise.
Même si elle n’est ni organisée ni préméditée, la séquestration de patron est un coup médiatique qui permet souvent de toucher les autorités.
“On observe que les négociations classiques sont de plus en plus bloquées. Les entreprises sont accompagnées par des professionnels des cabinets de ressources humaines et des avocats en droit du travail. Les syndicats ont répondu à cette évolution, et sont devenus eux aussi des professionnels du droit. Résultat : le rapport de force est souvent équilibré et aboutit au blocage“, explique David Delavoet, consultant du cabinet Vae Solis Corporate qui propose depuis avril 2009 une formation aux patrons en cas de séquestration.
2ème étape : la nuit au bureau
Face aux 70-80 salariés de Pier Import réunis en février dernier au siège pour négocier leurs indemnités de départ, les deux cadres du groupe n’ont pas pu faire grande chose pour s’opposer à leur décision de les garder dans les locaux.
“Très simplement, on leur a annoncé qu’on leur laissait la nuit pour trouver une solution avec l’actionnaire majoritaire pour qu’il mette la main à la poche“, raconte Fabrice Ménard, délégué CGT de Pier Import. “Tout s’est fait dans le calme, les patrons ont compris notre action“, ajoute t-il.
A Molex, “les dirigeants ont été bien traités, ils ont eu droit à leur matelas, à un dîner, pouvaient circuler librement dans les locaux et aller parler aux caméras à l’extérieur“, raconte pour sa part, Denis Parise, secrétaire du comité d’entreprise Molex. “On leur a donné la nuit pour qu’ils puissent négocier avec les États-Unis“.
La bonne attitude psychologique à adopter pour les patrons est de rester calme et d’écouter les salariés, recommande le cabinet Vae Solis.
“Il faut rester en négociation, chercher à renouer le dialogue pour trouver les points de blocage. Car la solution pour le patron est toujours de parvenir à réaliser un plan social acceptable. Il faut surtout éviter de se verrouiller dans un affrontement, d’aller à la procédure contentieuse“, affirme le consultant.
“La situation est rarement préméditée, les salariés en viennent là par ras-le-bol“, ajoute t-il.
L’autre point important à respecter est de rétablir un rapport de force médiatique plus favorable. “Avec la séquestration de patron, les salariés ont un gros avantage, ils ont le monopole de la communication auprès des médias. C’est pourquoi, il faut prévoir une communication de l’extérieur”, ajoute David Delavoet.
3ème étape : quand ça finit bien
“Cela nous a permis, en partie, (car la grève durait depuis longtemps) de rencontrer le ministre de l’industrie, Christian Estrosi et de réunir dans son bureau la direction même si au final on s’est fait avoir puisque la direction n’a rien lâché“, dit Fabrice Ménard, délégué CGT de Pier Import.
4ème étape : quand ça finit mal
A Molex, la direction a porté plainte contre Denis Paris, le délégué CGT. Face au juge, le syndicaliste a demandé la levée de la séquestration, mais les négociations ont été plombées par cet événement. Elles se sont poursuivies devant le tribunal et les pouvoirs publics. Elles ont finalement tourné en faveur des salariés. C’était peut être la pire stratégie pour le groupe, dont le plan caché de délocalisation aux États-Unis a été révélé au grand jour.
“En cas de séquestration, il faut éviter ce type de situation, sauf en cas de violence“, explique le consultant du cabinet Vae Solis. “S’il n’y a pas de violences, même si la séquestration est illégale, le préfet laissera du temps aux salariés avant d’envisager de faire intervenir les forces de l’ordre, il ne faut pas risquer un drame“, ajoute t-il.