Alors que la pandémie est terminée et que seulement 7% de la population a accepté de se faire vacciner, l’heure est aux comptes. Achat des vaccins et des masques, campagne de pub, envoi des convocations, location des gymnases… La facture de la grippe A se monte à 1,02 milliard d’euros. La France a-t-elle trop dépensé ?
La facture, encore incomplète, pour lutter contre la grippe A/H1N1, s’élève déjà à plus d’un milliard d’euros. Pour esquisser un premier bilan de la grippe A, le Journal du dimanche (JDD) a mis à jour les chiffres disponibles et les a additionnés, en compilant notamment ses propres estimations du coût de paiement des vacataires et des dépenses liées aux consultations des généralistes.
La France s’est mise en ordre de bataille pour une véritable guerre contre un virus qui devait frapper la population et faire perdre plusieurs points de PIB à l’économie nationale. A l’aune du bilan, cette “débauhe de moyens” déployés a-t-elle été disproportionnée? La grippe A a fait 302 victimes en France… bien moins qu’une vulgaire grippe saisonnière. Autant que le coût financier, c’est la défiance dont ont fait preuve les Français à l’égard de leurs dirigeants qui doit inquiéter aujourd’hui.
Le ministère de la Santé a indiqué qu’il était “trop tôt pour valider la moindre estimation. Nous sommes en train de traiter les différentes remontées chiffrées, l’objectif du ministère étant, dans un souci de transparence, de donner le coût constaté de la campagne de lutte contre la grippe.”
Le JDD additionne le coût des doses de vaccins non annulées (370 millions d’euros), les 300 millions de masques (150 millions d’euros), l’achat des antiviraux (20 millions), les seringues et le coton (8,5 millions), la campagne de publicité (5,6 millions), le remboursement aux collectivités locales pour les locaux et les personnes mis à disposition (95 millions), le paiement des 10.000 vacataires (150 millions), l’envoi des 65 millions de convocations aux assurés sociaux (28 millions), l’achat du matériel pour la réanimation des cas les plus graves (5 millions), le traitement des déchets et acheminement des produits (41 millions) et les dépenses liées aux consultations de généralistes (145 millions). Total: 1,018 milliard d’euros.
Le ministère de la Santé n’a jamais donné de chiffres précis sur la facture de la pandémie. Selon la presse et des spécialistes du secteur de la santé, elle se situerait dans la fourchette de 850 millions et 1,3 milliard d’euros.
En septembre, avant le déclenchement de la grippe, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, avait estimé le coût de la lutte contre la pandémie à 1,5 milliard d’euros, dont 1,1 milliard consacrés à l’achat de produits (vaccins, masques…) et 450 millions aux campagnes d’information, à la rémunération des médecins et du personnel.
Cependant, la grippe a été moins virulente que prévu et seulement 5,6 millions de personnes ont été vaccinées, alors que le gouvernement a acheté 94 millions de doses de vaccins. Il est actuellement en négociation avec les laboratoires pharmaceutiques pour résilier 50 millions de doses.
L’heure des comptes a sonné
Alors que l’opposition tire à boulets rouges sur le gouvernement, deux commissions d’enquêtes parlementaires entament leurs travaux sur la gestion de l’épidémie de grippe A-H1N1. La chambre sociale de la Cour des comptes vient aussi de lancer son propre audit. Toujours stoïque face aux critiques et persuadée de ne pas avoir failli, Roselyne Bachelot devra s’expliquer.
Le directeur général de la Santé, Didier Houssin, devait quant à lui être auditionné dès cette semaine par les sénateurs mais, pour des questions d’agenda, le rendez- vous a été reporté de quelques jours. Ce qui laisse un délai supplémentaire pour argumenter au ministère de la Santé, occupé à centraliser des chiffres éparpillés dans différents services administratifs. La mission est d’autant plus complexe que l’exercice est inédit.
“C’est un exercice dont on sort toujours perdant,” dit Roselyne Bachelot
La Caisse nationale d’assurance-maladie ignore combien cette épidémie a généré d’arrêts maladie ou de prescriptions médicales supplémentaires. La prise en charge dans les hôpitaux des cas graves n’a pas encore été chiffrée et ne le sera peut-être jamais tant l’opération est complexe, aux dires de plusieurs experts. Les fiches de paie des personnels médicaux et paramédicaux, venus faire des piqûres à la chaîne, n’ont pas encore été établies.
“Nous avons commencé à payer les internes, les élèves infirmiers et à rembourser les frais de transports des étudiants à la fin du mois de décembre. Les autres personnels devront encore attendre, peut-être pour certains jusqu’au mois de juin“, indique-t-on au ministère de la Santé. Les règles de l’administration sont si complexes que les différents ministères peinent à décider qui doit régler les factures.
Seulement 7% de la population a accepté de se faire vacciner
“Aujourd’hui on me reproche d’en faire trop, se plaît à répéter Roselyne Bachelot. Mais au début, les mêmes me reprochaient de ne pas en faire assez. C’est un exercice dont on sort toujours perdant.” Raymond Soubie, le conseiller social du président de la République, n’est pas étranger à cette religion du principe de précaution maximal. Si des divergences se font jour au sein du gouvernement, elles concernent l’organisation logistique de la crise.
En juin dernier, Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur nouvellement nommé, a voulu avoir la haute main sur le pilotage de tous les centres de vaccination. L’organisation jacobine qui excluait les médecins de ville de la chaîne a montré ses limites: seulement 7% de la population a accepté de se faire vacciner.