Par le Père Augustin
A cause du dimanche de Carême, on peut fêter le 8 mars saint Thomas d’Aquin dont la fête est le 7. Né dans une famille de l’Italie du sud apparentée à l’empereur d’Allemagne et aux Hohenstaufen, Thomas est « offert » au monastère bénédictin de Monte Cassino dès l’âge de 5 ans. Le but ? Faire de ce rejeton d’une noble famille, le futur Père Abbé de ce Monastère, le plus grand d’Europe avec Cluny.. A l’âge de 15 ans, le jeune Thomas qui avait été envoyé faire des études à Naples, à l’université « laïque » fondée par Frédéric II, décide qu’il ne sera pas bénédictin, mais qu’il appartiendra à cet ordre nouveau, dont l’objectif est de cultiver la vie intellectuel : l’ordre des Prêcheurs, fondé en France par un Espagnol, Dominique de Guzman. Ces frères, épris de la perfections évangéliques, cultivent la pauvreté. On dit qu’ils mendient leur nourriture. Pour la famille d’Aquin, c’est tout simplement impossible que leur fils se trouve « là-dedans ». Ils le font donc enlever du Couvent napolitain où il avait trouvé refuge, mais le jeune Thomas ne veut rien entendre. Il sera dominicain ou rien. On le prend au mot et un jour, à court d’arguments, c’est une charmante jeune fille que l’on introduit dans sa chambre. Il tente de la congédier, mais elle a reçu mission et sans doute promesse de récompense et ne se laisse pas congédier si facilement. Il la chasse avec les tisons de la cheminée…
Il gagne ainsi le droit de faire ce qu’il veut et part rejoindre l’ordre qu’il a choisi et faire des études dans la grande université de l’époque, l’université de Paris. Dans l’ordre dominicain, son professeur principal est un allemand, Maître Albert dit Albert le Grand, qui enseigne sur la Place qui porte son nom, quoi que déformé, la Place Maubert (magnus Albert). Pour se moquer gentiment de lui, Albert appelle Thomas « le bœuf muet de Sicile », mais il affirme aux autres étudiants effarés : « Lorsque ce bœuf se mettra à parler, son mugissement sera entendu dans le monde entier ». Le Bœuf muet asse son doctorat en théologie à 22 ans, avec une dispense. A l’instigation d’Albert, il se lance à fond dans l’étude d’Aristote, ce philosophe dont les œuvres techniques ont été récemment traduite en latin par un autre dominicain, flamand celui-là, Guillaume de Moerbeke.
Saint Thomas porte une philosophie, qui est une synthèse d’Aristote et de la pensée chrétienne, mais sa grande synthèse, La Somme théologique, est avant tout une réflexion sur tous les domaines de la foi. Thomas n’a pas son pareil pour montrer ce que l’on va appeler « l’intelligence de la foi ». Cette parole, qui ne vient pas de la raison humaine et se trouve dans les livres sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testament, bouleverse non seulement la métaphysique mais la vie des hommes.
Je ne ferai pas ici une synthèse du « thomisme », mais je voudrais souligner l’importance du style de saint Thomas, la qualité de la langue latine qu’il utilise. Et pour cela je me permets de citer Remy de Gourmont, un auteur « fin de siècle » dont le christianisme est particulièrement fantaisiste, mais qui dit son admiration pour l’esthétique thomasienne : « Saint Thomas d’Aquin est toujours d’un égal génie et son génie est fait surtout de force et de certitude, de sécurité et de précision. Tout ce qu’il veut dire, il l’affirme et avec une telle sonorité verbale que le doute, apeuré, fuit »