Serge Klarsfeld, historien de la Shoah, livre son regard sur le rôle des policiers français et de Pierre Laval, principale personnalité du gouvernement de Vichy, lors de la grande rafle.
Paris Match. Les policiers qui ont participé à la rafle savaient-ils qu’ils conduisaient des familles à la mort ?
Serge Klarsfeld. Je ne le pense pas. Il s’agit de gens modestes qui ne voulaient pas perdre leur travail. Ils n’imaginaient pas les camps de la mort. La plupart ont agi sans enthousiasme : la preuve, ils n’ont arrêté que 9 000 adultes sur les 22 000 qu’on leur demandait. Mais impossible de savoir lesquels ont eu des gestes d’humanité, lesquels ont fait du zèle. Toutes les archives qui contenaient leurs rapports avec les noms des personnes qu’ils arrêtaient ont été brûlées en 1948 par l’archiviste de la préfecture de police, l’épouse du fonctionnaire qui avait supervisé “le fichier juif”, André Tulard.
Le gouvernement de Vichy pouvait-il croire à cet Etat juif où seraient rassemblés les déportés ?Si, malgré plus de 70 000 morts dans la communauté juive de France, le bilan reste le moins meurtrier des pays à forte communauté juive occupés par l’Allemagne, c’est grâce à la compassion de la population française.”Non. Hitler avait été très clair. Dans un discours du 24 février 1942, il promet “l’anéantissement des Juifs quel que soit le résultat de la guerre”. Jamais Pierre Laval n’a demandé à savoir ce qu’étaient devenus les 3 500 enfants français déportés après la rafle du Vel’d’Hiv’ ni les personnalités juives françaises arrêtées dès décembre 1941. Même s’il en connaissait certaines, comme le propriétaire des papeteries Muller ; il avait même été le témoin du mariage de son fils. On savait comment ils avaient été traités au camp de Compiègne, mourant de froid et de faim. Si, malgré plus de 70 000 morts dans la communauté juive de France, le bilan reste le moins meurtrier des pays à forte communauté juive occupés par l’Allemagne, c’est grâce à la compassion de la population française, à partir du moment où elle a appris l’arrestation des femmes et des enfants.
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