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Par le Père Augustin

Durant les quinze jours qui viennent, la liturgie se dépouille progressivement. A partir d’aujourd’hui les croix et les images, dans les églises, sont voilées en signe de deuil, car l’Eglise prend le deuil du Christ, mort sur la Croix le Vendredi saint. A l’intérieur du Carême, il y a deux grands moments : les quatre dimanches de Carême, qui viennent de s’écouler, marquent quatre semaines durant lesquelles chacun est renvoyé à lui-même, à sa capacité ou à son incapacité de faire pénitence. A partir d’aujourd’hui, le Carême est plutôt une contemplation du mystère du Christ crucifié.
[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xnbar_la-passion-du-christ_shortfilms[/dailymotion] Pourquoi ce sang ? Et ce supplice ? Même si nous sommes habitués à l’image de la Croix et peut-être aux crucifix qui nous la représentent, cette question se pose, lancinante. Il suffit d’un rien pour faire repartir le débat : souvenons nous du film hyperréaliste de Mel Gibson, La Passion du Christ justement. Souvenons-nous des polémiques qu’il a provoquées… Le Christ en Croix est victime de la polémique qui a enflé contre lui. Mais il crée lui-même la polémique, au point que, depuis le XIXème siècle, pour aseptiser ce scandale, on le supprime et on essaie d’imaginer (comme le faisaient les gnostiques au temps primitifs) un Christ sans croix, un professeur de morale, qui se contenterait de dire – au choix : « Connais-toi toi-même pour découvrir Dieu en toi » (ça c’est le Christ gnostique, une sorte de super Socrate). Ou, dans la version « humanitaire » et pratique d’aujourd’hui, uniquement : « Aimez-vous les uns les autres… ».
Comment comprendre la Croix ? – Comme un sacrifice, au sens liturgique de ce terme. L’extrait de l’épître aux Hébreux qui nous est lu ce dimanche manifeste que la mort du Christ est un sacrifice liturgique : « Le Christ, Grand prêtre des biens à venir, a pénétré une fois pour toutes dans le Sanctuaire, non pas avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang, ayant acquis une rédemption éternelle ». Il faudrait reproduire ici tout le passage, tellement il est puissant. L’auteur de l’Epître aux Hébreux fait allusion aux sacrifices offerts partout, sacrifices d’animaux ou sacrifices humains. Il évoque plus précisément les sacrifices d’animaux dans le Temple de Jérusalem, détruit en 70 par Titus et jamais reconstruit.
Et il indique la double supériorité du Grand Prêtre Messie : premièrement, il s’offre lui-même. Désormais, à son exemple, le vrai sacrifice n’est plus le sacrifice de l’autre mais le sacrifice de soi. Deuxièmement, il ne meurt pas pour rien, puisqu’il nous acquiert « une rédemption éternelle » en nous offrant ce que l’auteur appelle joliment « les biens à venir ». Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, quelqu’un se lève pour garantir l’à venir, non pas un avenir politique, non pas « l’avenir radieux » ou le Reich pour mille ans des idéologues du XXème siècle, mais notre avenir par-delà la mort… Par sa mort terrifiante, le Christ a apprivoisé la mort. Comme dit Montaigne, il nous a appris à mourir. Il nous a appris qu’on ne mourait jamais « pour rien ». Et par sa résurrection, il nous a offert une vie plus forte que la mort, celle à laquelle on accède par l’amour : « Il n’y a pas de plus grand amour, dit-il, que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
On comprend pourquoi ce sacrifice du Grand Prêtre Messie a remplacé les sacrifices du Temple, et peu à peu tous les autres sacrifices, qui paraissent archaïques si on les compare à celui-là. La Passion du Christ est vraiment un Printemps de l’humanité, sommée d’abandonner des pratiques obscures pour se reconnaître dans ce sacrifice unique.
Je signale à ceux que ce thème intéresse la réédition toute récente pour moins de 10 euros du petit livre de Joseph de Maistre Eclaircissements sur les sacrifices, aux éditions Cahiers de l’Herne.

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