“Oui, ils ont fait l’histoire”, titre le Washington Post. Après des mois d’âpres négociations au Congrès, Barack Obama a remporté, dimanche 21 mars, une victoire législative majeure avec l’adoption d’une réforme historique de l’assurance-maladie. En portant personnellement cette réforme, M. Obama “a démontré qu’un président qui a un but, adopte un plan de bataille et s’y tient, n’est pas facile à mettre en défaut”, souligne le Los Angeles Times.
La Chambre des représentants a approuvé par 219 voix contre 212 le texte adopté en décembre par le Sénat, alors qu’une majorité de 216 voix était nécessaire. “En bien des manières, cette bataille est la continuation des débats passionnés de la campagne de 2008”, souligne Mother Jones. Le Wall Street Journal, pour sa part, ne décolère pas du ralliement de l’élu du Michigan, Bart Stupak, connu pour ses positions anti-avortement, et qui aurait “vendu son âme à un exécutif édenté”. Au total, 34 démocrates ont voté contre le projet de loi avec 178 républicains, dont pas un n’a voté pour la réforme.
Sur dix ans, la réforme, d’un coût de 940 milliards de dollars (695 milliards d’euros), devrait aussi réduire le déficit américain de 138 milliards de dollars (102 milliards d’euros), selon le bureau du Budget du Congrès. Le texte prévoit en effet une baisse des dépenses du programme d’assurance-maladie des personnes âgées (Medicare). Au total, le texte devrait permettre de garantir une couverture à 32 millions d’Américains qui en sont dépourvus.
“Pendant les prochaines années, la plupart des Américains ne verra que des changements mineurs dans le système de santé”, précise l’hebdomadaire Time. “Parmi les batailles autour de l'”Obamacare”, aucune n’a été plus passionnée que celle portant sur l’impact de la réforme sur les seniors”, souligne pour sa part Newsweek.
“En se plaçant du point de vue de ce dont a besoin l’Américain moyen, le président a transcendé le débat gauche-droite, souligne The Daily Beast. Mais pour le New York Times, au contraire, ce succès politique met fin à la promesse d’un président “postpartisan”. “Une grande victoire pour Obama, mais des élus démocrates divisés”, relève pour sa part Politico.
D’autres publications pointent aussi le possible retour à l’offensive de l’opposition républicaine. Lors des fameuses “Tea Party”, “la droite a déjà terni, de manière significative, l’image de Barack Obama“, remarque l’Huffington Post. D’après MSNBC, le parti d’opposition pourrait aussi mener une dernière escarmouche lors de la “réconciliation” au Sénat, une procédure qui ne requiert pourtant qu’un vote de cinquante sénateurs. Pour le Boston Globe, les républicains espèrent aussi, à moyen terme, “retrouver leur base électorale, et affaiblir les démocrates lors des élections de mi-mandat de novembre, en martelant des arguments contre cette loi”.
Le mois de novembre pourrait en effet être crucial pour l’administration Obama, conclut le Washington Post, alors que la “Maison Blanche et le parti démocrate ont déjà essuyé une défaite monumentale dans le Massachusetts [avec la victoire d’un républicain pour succéder à Ted Kennedy] et des menaces de défections au Congrès”. The Atlantic n’hésite pas d’ailleurs à parler de “victoire en demi-teinte”, soulignant enfin que ce projet de loi demeure impopulaire sur tout le territoire américain.
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Autre article relié (extraits) :
Etats-Unis : les enjeux du vote de la réforme du système de santé
* Le système de santé actuel
Aujourd’hui, les Etats-Unis consacrent l’équivalent de 16 % de leur produit intérieur brut aux frais de santé. D’ici 2020, ce chiffre pourrait atteindre 20 %. L’assurance médicale est privée à plus de 75 %. Seuls les retraités ayant cotisé (Medicare), les handicapés, les anciens combattants et les très faibles revenus (Medicaid) sont assurés par le secteur public. La dette cumulée de Medicare dépasse les 2 000 milliards de dollars (1 450 milliards d’euros).
Sachant que la crise a détruit près de 7 millions d’emplois et que les chômeurs perdent leur protection santé avec leur emploi, on estime aujourd’hui le nombre des non-assurés à plus de 50 millions.
* Ce que prévoit le projet de loi
La réforme doit permettre d’étendre la couverture-santé à 32 millions de personnes qui en sont actuellement dépourvus, tout en réduisant les coûts d’un système hyperinflationniste en termes de tarifs médicaux. Elle impose à tous les Américains de se doter d’une assurance médicale, mais prévoit des aides pour les foyers à revenu modeste et étend également Medicaid, le programme fédéral de couverture-santé pour les pauvres.
Le plan interdit aux compagnies d’assurance de refuser de prendre en charge un client qui ne répondrait pas à des critères médicaux préétablis. Il prévoit de combattre les hausses de tarifs “déraisonnables ou injustifiées” imposées aux assurés par des compagnies privées. Au cours de la décennie écoulée, celles-ci ont augmenté cinq fois plus que le coût de la vie.
Les petites et moyennes entreprises bénéficieront de crédits d’impôts pour assurer leurs salariés. Les sociétés qui ne participeraient pas au financement d’une assurance pour leurs salariés se verraient imposer une redevance de 2 000 dollars (1 460 euros) par salarié non couvert, que l’Etat assurerait alors à sa charge.
Dans les derniers changements apportés par les démocrates figure une réorganisation du programme de prêts aux étudiants, pour aider les plus démunis d’entre eux.
* Pour quel coût ?
Le montant total du plan s’élève à 940 milliards de dollars (691 milliards d’euros) étalés sur dix ans. Le gouvernement assure que ce coût est entièrement financé. Selon le bureau du budget du Congrès américain (CBO), il devrait même permettre de réduire le déficit américain de 138 milliards de dollars (101 milliards d’euros) entre 2010 et 2019, et de 1 200 milliards de dollars (882 milliards d’euros) pendant les dix années suivantes. “Cela fait de cette loi l’effort le plus important pour réduire le déficit depuis la loi sur l’équilibre budgétaire dans les années 1990”, s’est félicité Barack Obama.
* Une bataille législative
La Chambre des représentants et le Sénat ont chacun adopté une version très différente du texte à la fin de l’année 2009. Le projet de loi examiné dimanche est une version amendée du plan validé en décembre par le Sénat, et que certains démocrates à la Chambre renâclaient jusque là à entériner.
Grâce au ralliement in extremis de plusieurs élus démocrates récalcitrants, les leaders du parti démocrates ont affirmé ce week-end qu’ils avaient les 216 voix nécessaires sur 435 à l’adoption du texte. Le projet pourra ensuite être voté par le Sénat, via la procédure dite de “réconciliation”. Ce système conçu pour l’adoption en urgence de loi de finance, autorise le vote de la loi à une majorité simple de 51 voix au Sénat, plutôt qu’à la majorité absolue.