La Chine vieillit. Inexorablement. Aujourd’hui, 176 millions de Chinois, soit 12,79% de la population du pays, ont plus de 60 ans. Avec ses 1,3 milliard d’habitants, l’État le plus peuplé de la planète est également celui qui compte le plus de personnes âgées.
Quatre explications à ce phénomène. D’abord, la politique de l’enfant unique, lancée en 1979. A l’époque, dans les entreprises publiques, toute femme qui mettait au monde un deuxième enfant écopait d’une double sanction : suspension de salaire pendant plusieurs mois et suppression du droit à la promotion.
Ensuite, le changement des mentalités. Pour diverses raisons, nombre de jeunes couples chinois ne veulent pas d’enfants : il est donc loin le temps où trois, voire quatre générations vivaient sous le même toit.
Troisième raison : le célibat d’un grand nombre d’hommes. Beaucoup ne trouvent pas d’épouse du fait du manque de femmes – conséquence de la pratique de l’infanticide visant les petites filles dans leurs régions.
Enfin, l’allongement de l’espérance de vie en Chine : de 40 ans seulement dans les années 1950, elle est passée aujourd’hui à 73 ans.
Inquiétant : les projections montrent qu’en 2030 la Chine comptera 379 millions de personnes âgées, alors que, d’ici là, sa population se stabilisera autour de 1,39 milliard d’habitants. Cela signifie que dans vingt ans un Chinois sur cinq sera sexagénaire.
Solitude et dépendance
Pas étonnant, alors, que le nombre de personnes âgées ait augmenté rapidement. Or beaucoup d’entre elles vivent seules, leurs enfants étant partis travailler loin du foyer parental. Selon le Beijing Soir, “ces personnes souffrent beaucoup de la solitude, pleurent facilement et ont perdu goût à la vie. Elles reprochent parfois à leurs enfants de les avoir abandonnées.”
Et un autre journal local d’expliquer : “Elles sont peu autonomes et ont besoin d’aide pour faire face à des imprévus dans leur vie quotidienne. Fuite d’eau, engorgement des WC, panne d’électricité, etc. : quand on est moins agile et plus fragile, tout est source de problèmes et rien n’est facile à résoudre.”
Difficile financement des retraites
La rapide progression du nombre de Chinois âgés constitue un défi majeur pour le financement des retraites. Alors que, en 1998, 13 actifs cotisaient pour 1 retraité, ils étaient seulement 3 en 2003 et ne seront que 2,5 en 2020. Qu’en sera-t-il en 2030, 2040, 2050 ? Qui financera les retraites si le nombre d’actifs continue à diminuer et celui de retraités à augmenter ?
En attendant, la Chine tente de faire face à deux impératifs. Il lui faut mener à bien la réforme de son système de retraite qui reposait sur l’entreprise publique, celle-ci étant chargée de verser les pensions à la place de l’État. Or, depuis l’ouverture économique du pays, les entreprises sont autonomes et celles qui sont peu compétitives ne peuvent plus payer leurs retraités.
Pour le gouvernement chinois, il s’agit d’instaurer un régime inspiré des modèles occidentaux, combinant répartition et capitalisation. Il faut également créer un système de retraite pour la population rurale, qui représente encore 69% de la population chinoise. Autrefois, les vieux agriculteurs pouvaient compter sur le soutien de leurs enfants et sur l’aide des fermes collectives.
Mais la privatisation de l’agriculture et le départ des jeunes dans les grandes villes les ont marginalisés. Beaucoup se retrouvent désormais sans revenus réguliers. Pour la Chine, l’objectif est donc de couvrir l’ensemble des ruraux d’ici à 2020. Un chantier vaste et coûteux.
Moins d’actifs, moins de croissance ?
Finalement, les Chinois paient aujourd’hui les conséquences de leur politique de l’enfant unique. Voici quelques chiffres alarmants : dans les dix ans à venir, le nombre de nouveaux venus sur le marché du travail – qui auront alors entre 20 et 24 ans – va diminuer.
De 125 millions en 2010, il ne sera plus que 68 millions en 2020, soit 8% du total des actifs chinois, contre 15% aujourd’hui. Or moins d’actifs jeunes et dynamiques signifient probablement moins de création de richesse, donc moins de croissance, même si, entre-temps, la productivité aura un peu augmenté.
“Si la Chine manque de main-d’oeuvre d’ici à 2030, il lui suffira de reculer d’un an l’âge de la retraite pour conserver 20 millions d’actifs pour l’année concernée,” objecte un sociologue chinois. Mais c’est oublier que sa proposition ne résoudra en rien le problème du vieillissement de la population !
Quels enjeux pour les pays développés ?
Aujourd’hui et pour longtemps encore, la Chine va continuer de jouer son rôle de locomotive de l’économie mondiale. Mais, peu à peu, elle sera supplantée par des pays plus dynamiques, comme l’Inde par exemple, dont les plus de 60 ans ne représentent que 5,6% de sa population.
En parallèle, le vieillissement de la population entraînera la diminution du taux d’épargne de la Chine, qui finira par ne plus pouvoir financer les dettes de l’Oncle Sam. Le cercle vicieux sera alors enclenché…