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L’abandon de la taxe carbone ne s’explique pas seulement par le souci de François Fillon de ménager sa majorité parlementaire. Ou par le torpillage du Medef que la secrétaire d’Etat à l’écologie, Chantal Jouanno, a dénoncé avec fougue. Il est dû, pour une très large part, aux inquiétudes de l’exécutif sur la situation économique.

Ne rien faire qui puisse affaiblir les entreprises françaises exposées à la concurrence et fragiliser la reprise : telle est l’obsession de l’Elysée et du gouvernement en ce printemps 2010 décrit comme très maussade par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Sa dernière note de conjoncture, rendue publique jeudi 25 mars, n’est pas de nature à rassurer les pouvoirs publics. Elle prévoit une reprise “sans tonus”, “hésitante”, et donne quelque crédit aux hypothèses de travail de nombreux économistes : une sortie de récession relativement précoce en France, à l’été 2009, suivie d’une entrée dans une période de croissance faible, scénario redoutable s’il durait.

L’Insee, qui ne se projette pas si loin, se contente d’annoncer une progression du produit intérieur brut (PIB) de + 0,2 % au premier trimestre 2010 et de + 0,3 % au second, au lieu des + 0,4 % et des +0,3 % prévus en décembre. A la mi-2010, l’acquis de croissance serait ramené de 1,1 % à 1 %.

Même limitée, cette révision à la baisse risque de relancer les craintes de Bruxelles. Le 17 mars, la Commission européenne avait critiqué le caractère “très optimiste” des prévisions de croissance retenues par le gouvernement Fillon (+ 2,5 %) pour les années 2011 à 2013.

Elle avait déploré, en termes assez vifs, l’incapacité récurrente de la France, championne du monde de la dépense publique, à tenir ses engagements en matière de redressement des finances publiques. La stratégie française “ne laisse aucune marge de sécurité si la situation économique évolue moins bien que prévu”, avait-elle ajouté.

Le rappel à l’ordre de Bruxelles ne semble pas de nature à faire évoluer la position de la France, ni à infléchir sa politique macroéconomique, au lendemain de la défaite de la droite aux élections régionales. C’est parce qu’ils ont jugé la situation économique de 2010 pas très bonne, que la zone euro, le G-20, le G-8 ont décidé de ne pas entamer la consolidation budgétaire, c’est-à-dire de ne pas s’attaquer au redressement de leurs comptes publics, avant 2011.

Dans l’esprit des dirigeants français, cette décision est plus fondée que jamais. La fragilité de la reprise ne plaide pas pour un tour de vis supplémentaire sur la dépense publique dès cette année. Et si la croissance n’était pas au rendez-vous en 2011, c’est bien l’ensemble de son scénario d’assainissement que la France reverrait. Le déficit public, qui s’élève à 7,9 % du PIB, ne pourrait être alors ramené dans les clous du pacte de stabilité et de croissance, c’est-à-dire sous la barre des 3 % du PIB dès 2013.

Pour l’heure, les pouvoirs publics français n’en sont pas là. Ils campent sur leurs prévisions. Alors que la consommation des ménages, principal moteur de la croissance française ces dernières années, vient de reculer pour le deuxième mois consécutif et que l’investissement des entreprises peine à retrouver ses niveaux d’avant la récession, le pragmatisme reste de mise.

Devant la persistance de la crise, le patronat, Medef en tête, vient de demander la reconduction de certaines des aides décidées dans le cadre du plan de relance pour soulager les difficultés de trésorerie des entreprises. Il ne devrait pas avoir trop de problèmes pour se faire entendre. Largement utilisé en 2009, le chômage partiel le sera encore cette année pour favoriser, autant que possible, le maintien dans l’emploi.

Quant aux modalités du redressement des comptes publics, auquel va s’atteler le nouveau ministre du budget, François Baroin, elles devraient être précisées lors de la deuxième conférence sur les déficits qui a été reportée à la mi-mai – au plus tôt – en raison du remaniement gouvernemental.

Les différents groupes, qui planchent sur l’état des finances publiques, sur leur gouvernance, sur la maîtrise des dépenses publiques sociales et locales, continuent leurs travaux. La doctrine de l’Elysée, elle, n’a pas varié : non à l’augmentation des impôts dans un pays qui a le niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’OCDE, ce qui n’empêchera pas la remise en cause de certaines niches fiscales, priorité à la baisse de la dépense publique et à la réforme des retraites.

Dans ce contexte, la réduction du nombre des agents de l’Etat devrait toujours figurer dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2011. Mais l’Etat y a déjà beaucoup contribué en appliquant – de manière non uniforme d’ailleurs – la “règle” du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. La tentation est donc d’accentuer la pression sur les collectivités locales. L’idée qu’il y a des limites à la baisse du nombre des fonctionnaires de l’Etat fait son chemin. Sage “découverte” à l’heure où va s’engager la réforme des retraites.

Le Monde

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