Les émissions de titres de dette américaine ne se sont pas très bien déroulées la semaine passée puisque le taux des obligations d’État à 10 ans a atteint 3,92%. L’augmentation des taux sur les bons du Trésor entraîne des craintes sur la capacité des États à financer leur dette.
Les États-Unis arriveront-ils à trouver l’argent nécessaire pour financer leur dette record? Les rendements des titres du Trésor américain émis la semaine passée et servant à refinancer la dette publique, ont atteint des niveaux rappelant la période d’avant crise. Cette hausse reflète l’inquiétude liée à «cette énorme offre excédentaire de dette fédérale, jamais vue à ce jour,» a commenté Alan Greenspan, l’ancien président de la Fed et pape de Wall Street, sur Bloomberg TV.
Le taux des Bons du Trésor à 10 ans, véritable référence pour le marché, a été fixé à 3,92%, contre 3,53% en février. L’État américain emprunte désormais plus cher que certaines grandes entreprises et fonds d’investissement. Ces dernières semaines, la société du milliardaire Warren Buffett, Berkshire Hathaway, profitait d’un taux inférieur à celui de l’État américain.
«Les obligations souveraines américaines sont très exposées à cause du niveau élevé de la dette à refinancer en 2010, qui représente 40% de l’encours total,» soit près de 2.000 milliards de dollars, analyse Ciaran O’Hagan, stratégiste chez Société Générale. A titre de comparaison, la Grèce doit refinancer 8% de sa dette et la France 20%.
Capacité d’absorption
D’autres spécialistes du marché ne voient dans la hausse des taux de la semaine passée qu’un phénomène temporaire dû à une conjonction d’évènements défavorables. «Le marché a une capacité d’absorption importante, avec le relèvement des ratios de solvabilité des banques,» ces dernières devant se fournir en obligations d’État afin de se prémunir contre le risque lié à d’autres placements, explique Patrick Jacq, stratégiste taux et devises chez BNP Paribas.
Si les émissions de bons du Trésor se sont mal déroulées, c’est parce que les autres classes d’actifs, comme le marché action, se portaient mieux que le mois précédent, par exemple. Les investisseurs auraient donc arbitré en faveur de ces derniers, plus attractifs. «La question, souligne le Wall Street Journal, est de savoir pour combien de temps encore les investisseurs seront d’accord de financer la dette publique à des taux bradés.»
La bonne affaire de la dette grecque
D’autre part, la Grèce, forte du soutien des autres pays de la zone euro, est de retour ce lundi sur les marchés. Elle refinance sa dette sous forme d’obligations à 7 ans. Cette émission de titres du Trésor grec représente une bonne affaire pour les banques européennes, qui semblaient en milieu d’après-midi honorer l’offre d’Athènes. En début d’après-midi, les ordres d’achat se montent à 7 milliards d’euros, alors qu’Athènes envisageait de lever seulement 5 milliards.
Pour mener l’opération, Athènes a mandaté plus de banques européennes que les fois précédentes, avec ING et Société Générale CIB. Deux banques grecques, Alpha Bank et Emporiki (filiale du Crédit agricole), ainsi que Bank of America-Merrill Lynch, sont aussi partie prenante.
«L’opération représente une double opportunité,» explique Patrick Jacq, stratégiste taux et devise chez BNP Paribas. D’abord, la Grèce a besoin de refinancer sa dette et elle bénéficie de la garantie de l’Eurogroupe. Ensuite, considérant le risque finalement limité, le taux de l’émission, aux alentours de 6% selon des sources de marché, est très bien payé. Les investisseurs, rassurés, sont donc à l’achat, explique en substance le stratégiste.
Les banques européennes peuvent donc acheter les obligations grecques et les utiliser comme dépôt à la Banque centrale européenne (BCE) contre des prêts à plus courts termes mais à un taux d’intérêt de seulement 1%. Rendement de l’obligation grecque (6%) contre taux de refinancement de la BCE (1%)… Le calcul est vite fait : «un portage à 5 points de pourcentage, c’est très bon,» juge Patrick Jacq.
Les précédentes opérations, lancées le 25 janvier et le 4 mars dernier, avaient généré cinq fois plus de demande que d’offre. La Grèce doit lever près de 20 milliards d’euros sur les marchés pour refinancer sa dette d’ici fin mai.