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Par Olivier Pastré, professeur à l’université de Paris VIII.

La crise ne fait que commencer. A ceux qui croient qu’une hirondelle budgétaire fait le printemps économique, il convient de rappeler que la méthode Coué ne fonctionne jamais très longtemps dans l’univers de la croissance. Ce n’est pas en montant en épingle quelques indicateurs de consommation glanés ça et là que l’on bâtit un scénario de retour au plein emploi.

Certes, le scénario catastrophe de la déflation a été évité (de peu) grâce à la réactivité des banques centrales et des gouvernements. Mais ce sauvetage in extremis s’est opéré au prix d’une création monétaire porteuse de nouvelles bulles et de déficits budgétaires abyssaux qui ne pourront pas être creusés indéfiniment. Certes, les Bourses se tiennent bien mais elles ne reflètent que la capacité des très grandes entreprises à se redéployer là où la croissance mondiale a perduré, en l’occurrence certains pays émergents.

Mais sur le fond, rien n’a véritablement changé. Sans endettement privé, la croissance ne peut être, dans le meilleur cas, que “molle”. Par ailleurs, le commerce mondial ne peut être qu’atone (-12% en 2009, du jamais vu depuis la Seconde guerre mondiale). Le dollar reste éminemment fragile, à la merci du bon vouloir des Chinois, principaux clients des bons du Trésor américains. Enfin, les bombes à retardement de la finance ne sont, pour la plupart, pas désamorcées, qu’il s’agisse des CDS (“Credit Default Swaps,” censés protéger les banques des “défauts” de leurs clients mais transformés en dangereux instruments de spéculation à court terme, comme l’a clairement montré l’exemple grec), des LBO (ces opérations de rachats d’entreprises à fort effet de levier d’endettement) ou des autres marchés de la dette, aux États-Unis notamment. Et pendant ce temps, les bonus des traders se remettent à flamber et les banques d’affaires se remettent à spéculer de plus belle. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est fort à craindre que, à la moindre étincelle, l’incendie ne reprenne.

Comment en est-on arrivé là ? Comment peut-il se faire que, malgré les milliers de milliards de dollars injectés dans les économies, la situation reste aussi inquiétante ? La réponse est simple : rien n’a été fait. Si l’on fait le bilan des trois G20 réunis pour conjurer la crise (à Washington, Londres et Pittsburgh), celui-ci paraît, à tout le moins, décevant.

Des progrès – limités – ont, certes, été réalisés sur deux dossiers : les paradis fiscaux et les bonus des traders. Mais sur le reste, c’est le désert des Tartares. Rien en matière de coordination internationale des politiques monétaires et budgétaires. Rien en matière de relance du cycle de Doha. Rien de sérieux en matière de réformes des règles comptables et prudentielles. Rien en matière de régulation des agences de notation et des hedge funds. Rien en matière de surveillance des marchés les plus spéculatifs (titrisation et, plus généralement, marchés dérivés).

Il ne faut donc pas s’étonner que, les braises n’ayant pas été noyées ou au moins cantonnées, l’incendie puisse reprendre à tout instant. L’heure d’un nouveau G20 va bientôt sonner. Il est temps de réagir. Il est temps de prendre – enfin – le taureau par les cornes et de mettre à plat l’ensemble des chantiers nécessaires à la construction d’une nouvelle gouvernance mondiale que je viens d’esquisser. Ceci est parfaitement possible si nos gouvernements se convainquent que le chaos est la seule alternative à la coopération économique internationale. Les Américains, les Chinois et les Européens doivent s’en convaincre. Sinon…

La Tribune

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