Le président roumain Traian Băsescu a déclaré, mardi 30 mars, qu’il allait probablement solliciter un nouveau prêt auprès du Fonds monétaire international (FMI), lorsque l’accord contracté l’an dernier, et portant sur un prêt global de 20 milliards d’euros, arrivera à échéance. En visite à Bucarest, le patron du bailleur international, Dominique Strauss-Kahn, s’est montré favorable à cette démarche, tout en rappelant la Roumanie à ses engagements déjà en cours.
La rencontre entre le président roumain et le directeur général du FMI a accouché de plusieurs mauvaises nouvelles pour les Roumains. Traian Băsescu a en effet déclaré qu’il souhaitait une coopération à long terme avec le bailleur international et évoqué la probable signature d’un nouvel accord [1].
Le directeur du FMI a prévenu les Roumains qu’ils allaient peut-être perdre leurs emplois dans les mois à venir mais qu’il appartenait à leur gouvernement de « régler la situation. » La crise ne sera pas surmontée tant que le taux de chômage – 8,3% en février, contre 5,3% l’an dernier à la même période – n’aura pas commencé à baisser.
« Quand nous arriverons au terme de l’accord en cours, il est très probable que nous sollicitions auprès de vous un accord standby [2] ou une ligne de crédit flexible, » a dit le Chef de l’État à Dominique Strauss-Kahn lors de leur entretien, mardi 30 mars,, au Palais Cotroceni [3]. « Nous verrons ensemble quelle solution doit être adoptée pour notre pays dans la mesure où il est clair que, tant que nous aurons un accord avec vous, la Roumanie restera crédible, » a-t-il ajouté.
La proposition du Président Băsescu n’est pas restée sans réponse : « je pense que c’est très sage et nous y sommes prêts, » lui a lancé le patron du FMI.
Ce n’est pas la première fois que Traian Băsescu évoque la possibilité d’un nouvel accord avec le bailleur international. Début mars, il a suggéré que la Roumanie pourrait avoir besoin d’un nouveau prêt extérieur pour faire face à la crise. Le Chef de l’État avait alors parlé d’un cas hypothétique qui pourrait bien devenir réalité si les réformes engagées par le gouvernement n’étaient pas mises en place, rappelle le Palais Cotroceni.
Quatre interventions en six heures
Lors de son passage éclair à Bucarest, Dominique Strauss-Kahn s’est d’abord rendu au siège du gouvernement vers 8 heures du matin. Son message : le FMI et les autorités de Bucarest continuent de chercher des solutions pour maintenir l’équilibre macroéconomique du pays. Une heure et demie plus tard, le patron du FMI était à l’Académie d’études économiques (ASE) pour s’exprimer devant des étudiants, en présence du gouverneur de la Banque roumaine, Mugur Isărescu, qui l’a suivi tout au long de sa visite.
Puisque seuls les étudiants avaient le droit de poser des questions, les journalistes se sont aussitôt « repliés, » certains intervenant toutefois en qualité d’anciens étudiants. À 11 heures, la délégation a quitté l’Académie pour se rendre au siège de la Présidence puis au Parlement. Après s’être entretenu avec les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, Dominique Strauss-Kahn a tenu un discours devant les députés. Il a quitté la Maison du Parlement vers 14h.
Les messages du patron du FMI
• Dominique Strauss Kahn s’en est pris à ceux qui, parmi les autorités, « interviennent à la télévision » pour rendre le FMI responsable des mesures impopulaires mises en place par le gouvernement. « Le FMI ne fait que proposer des mesures, il n’impose rien, » a-t-il lancé : « vous êtes actuellement à la tête de ce pays et vous intervenez à la télévision pour dire ‘nous devons prendre telle ou telle mesure, ça va être douloureux, mais ce n’est pas de notre faute, c’est le FMI qui nous l’a demandé’. Les mesures en questions consistent à baisser les salaires des fonctionnaires, construire moins de routes ou moins de ponts, augmenter l’impôt sur le revenu, mais c’est bien le gouvernement roumain qui les prend. »
• La Roumanie pourrait adopter l’euro plus tard que l’objectif 2015 initialement prévu car elle doit renforcer ses politiques monétaires et financières pour aller « sur la bonne voie ». Dominique Strauss-Kahn a également rappelé que les États membres de l’Union européenne (UE) étaient « obligés d’adopter l’euro » mais pas « dans la précipitation. »
• « Les dirigeants de demain doivent travailler dur pour sortir de la crise, » estime aussi le cadre du FMI, ajoutant que la règle de base était de ne pas avoir un déficit incontrôlable à long terme. « Ce que vous dépensez aujourd’hui, c’est les futures générations qui le paieront demain, » a-t-il ajouté.
• « Un filet de sécurité » et des mesures sociales sont nécessaires pour protéger les catégories défavorisées.
• Le patron du FMI a averti qu’il n’était « pas suffisant de recevoir de l’argent puisque le mal ne guérit pas simplement en dépensant cet argent. » « Des changements de comportements, comme par exemple l’adoption de politiques fiscales mieux réfléchies, sont nécessaires, » a-t-il lancé.
« L’accord actuel nous a enfoncés »
L’analyste économique, Ilie Şerbănescu, estime que l’accord passé entre la Roumanie et le FMI a « enfoncé définitivement le pays » et que le nouvel accord dont on parle aujourd’hui « va servir à rembourser le premier emprunt. »
« Si combler le déficit à hauteur d’un milliard d’euros a semé la pagaille dans le pays, vous imaginez bien ce qu’il en sera quand on commencera à rembourser l’emprunt en cours », a-t-il déclaré au quotidien Gândul. « Il faudra rendre 2 milliards d’euros en 2012, 6 milliards en 2013, 5 milliards en 2014. »
De son côté, Ionuţ Dumitru, économiste à la banque Raiffaisen, pense qu’il est prématuré de parler d’un nouvel accord avec le FMI : « nous verrons bien au moment opportun car, pour le moment, la Roumanie tire son argent de l’emprunt en cours. »
[1] En mars 2009, Bucarest a souscrit un prêt global de 20 milliards d’euros auprès du FMI, de l’Union européenne et de la Banque mondiale, dont elle a déjà obtenu 9,3 milliards d’euros.
[2] Un accord standby est une disposition dans laquelle les membres du FMI ont le droit d’emprunter un certain pourcentage du quota qui leur a été attribué par le Fonds, pendant une période déterminée. Ce type d’accord est conclu pour des périodes allant jusqu’à 3 ans et vise surtout à jouer le rôle d’emprunts de transition pour les pays qui rencontrent des difficultés de balance de paiements.
[3] Le Palais Cotroceni est le siège de la Présidence roumaine.
Balkans Courrier
(Merci à Gérard Le Savoyard)