A la lecture de la presse, l’œil est irrésistiblement attiré par un titre : « 1.700.000 embauches prévues en 2010 selon Pôle Emploi ! »
Dans la mesure où pour la seule catégorie A (qui correspond aux personnes sans emploi et tenues de faire des actes positifs de recherche d’emploi) le nombre d’inscrits à fin décembre 2009 était de 2.645.100 personnes, on serait tenté de dire que la France va retrouver le plein emploi dès cette année !
Plus sérieusement, d’où sort ce chiffre pour lequel n’importe quel politicien se damnerait ?
Chritian Charpy le directeur général de Pôle Emploi nous explique ce «miracle.»
« Il y a encore de l’emploi en France et les intentions de recrutements sont d’ailleurs en croissance depuis le début de l’année » Christian Charpy, le directeur général de Pôle emploi s’est voulu mardi raisonnablement optimiste en présentant le bilan de la neuvième édition de l’enquête sur les besoins en main-d’œuvre: « Cette année, les intentions d’embauches dans le secteur privé et une partie du public devraient avoisiner 1,7 million dans 383 bassins d’emplois de la métropole et des DOM. Près d’un établissement sur cinq (ce qui correspond à 524 900 employeurs potentiels) envisage de réaliser au moins un recrutement (…) »
Ah bon ! alors, il s’agit comme pour le bon vieux Téléthon de … promesses ?
Le téléthon, vous connaissez?
Pour ceux qui l’ignoreraient encore, il s’agit d’un : « programme télévisuel de plusieurs heures dont le but est de recueillir des fonds pour une œuvre caritative. de nombreux artistes (chanteurs, musiciens, comédiens) soutiennent la cause et appellent le public à faire des dons. Les promesses de dons sont recueillies via un standard téléphonique et un compteur situé sur le plateau affiche en temps réel le montant recueilli. »
Au delà du spectaculaire de l’opération, il est à noter que les organisateurs du Téléthon sont obligés, tous les ans de rappeler qu’il : « est encore temps de concrétiser vos promesses de dons ! » Ce qui signifie que Pôle emploi, reprenant la recette, vient d’inventer l’Emploithon !
Joli coup de communication pour relativiser les chiffres du chômage, au moment où on constate que pour les catégories A, B et C, le chiffre total, annoncé à fin décembre était de 3.849.200 personnes . Et surtout, qui tombe à pic, au moment où : Les élections régionales ont été mauvaises, la côte de popularité de l’exécutif est au tréfonds et les présidentielles suivies des législatives se présentent mal !
De plus, comme l’écrivait Jean-Marcel Bouguereau en mars 2010 dans le Nouvel Obs : « (…) la crise est passée par là. L’immigration et l’insécurité ne sont plus au centre des préoccupations des Français, Nicolas Sarkozy qui est grand consommateur de sondages ne peut pas l’ignorer. La priorité c’est l’emploi et le pouvoir d’achat (…) ».
Alors, pour redonner un peu de lustre à l’action du Président et de son gouvernement, on a décidé en haut lieu de réactiver la vieille légende des chômeurs inadaptés au marché et des très nombreuses entreprises qui peinent à trouver chaussure à leur pied. Alors, autant chercher toutes les méthodes susceptibles de faire croire que le gouvernement est hyper actif dans le domaine
Ainsi pôle emploi utilise de plus en plus la technique des « évaluation en milieu de travail » : « Est-il possible et légal pour une entreprise de tester gratuitement les capacités d’un chômeur ? La majorité des gens répondront : «Non, c’est illégal !» Et pourtant, il semble que ce soit bien légal et surtout … proposé par Pôle Emploi. »
Puis en envoyant au créneau Christine Lagarde vanter la formidable croissance des emplois à la personne dont tout le monde s’accorde à dire que ce sont essentiellement des activités d’une précarité effrayante (voir « Services à la personne : Les dessous pas très clairs de la “belle performance” saluée par le gouvernement ! » )
Quant à l’Emploithon de Monsieur Charpy, que dit-il ?
Une enquête réalisée auprès de 20.000 entreprises sur la même période permet d’identifier pour la première fois ce qui motive ces anticipations d’embauches : « 40 % correspondent à des créations de postes, un tiers à un surcroît d’activité, 30 % à des remplacements de départ et 15 % à des remplacements d’absences. ».Elle montre aussi l’ampleur du travail précaire : « 49,2 % des recrutements envisagés sont des CDI et 24 % sont des CDD de plus de six mois tandis que 40,5 % sont des contrats très courts et 3,4 % de l’intérim. » A contrario, elle révèle que « 57,3 % des entreprises qui ne recrutent pas cette année invoquent l’existence de réserves de main-d’oeuvre embauchée avant (…) » – Source Les Echos
Il faut noter qu’à l’occasion de l’enquête, Pôle Emploi a changé les règles de comptage, comme le déclare le directeur des études et statistiques de Pôle Emploi Bernard Ernst : « L’enquête de Pôle emploi ayant été rénovée en 2010, aucune comparaison n’est possible avec les années antérieures. » Et Le Figaro de préciser : « (…) Impossible de se livrer aux jeux des comparaisons d’une année sur l’autre car le périmètre de l’enquête de Pôle emploi a changé. Il prend désormais en compte le secteur agricole, une partie du secteur public (collectivités territoriales, hôpitaux…) et les sociétés sans salarié. (…) »
Quels sont les profils les plus recherchés selon l’enquête ?
« (…) Si l’industrie manufacturière et la construction représentent «de faibles réserves d’emplois potentiels, les métiers de la vente, du tourisme et des services restent les plus recherchés, devant ceux du social et médico-social (…) » Parmi les 15 métiers les plus recherchés, arrivent en tête des emplois plutôt moins qualifiés et avec plus de saisonniers que la moyenne: serveurs, animateurs socio-culturels, ouvriers agricoles (…) « On recrute dans beaucoup de métiers, mais il reste des métiers avec des difficultés de recrutement assez significatives, ce qui nécessite d’augmenter l’investissement en formation, » a observé le directeur général de Pôle emploi, Christian Charpy.
« (…) Malgré le contexte actuel de hausse du chômage, certains éléments structurels, comme le manque d’attractivité de certains métiers et filières de formation, ainsi que l’ampleur des pénuries de main d’oeuvre qualifiée expliquent ce résultat, » selon Pôle emploi.
D’autres métiers sont en revanche plus problématiques à pourvoir, au premier rang desquels les infirmiers et puéricultrices, les aides-ménagères à domicile et travailleuses familiales ou encore les ingénieurs, cadres d’études et chefs de projets informatiques.
Alors quel est l’ampleur de ces promesses ?
« (…) Près d’un employeur sur cinq (19,7% soit 524.900) envisage de réaliser au moins une embauche, principalement pour créer un poste (40%) ou répondre à un surcroît d’activité (34%), voire pour remplacer un départ (plus de 30%). Mais 37,5% des projets de recrutement, soit 634.600, sont liés à une activité saisonnière, notamment agricole. Les employeurs prévoient aussi un peu plus souvent des embauches en CDD (40,5% des CDD de moins de six mois, 24% des CDD de six mois et plus) qu’en CDI (49,2%). » Source Source AFP/Google
Au-delà de la validité du chiffre annoncé, les chômeurs sont en droit de se poser une question : Pôle Emploi, à l’instar du Téléthon, enverra t-il aux entreprises qui ont fait des promesses d’emplois, un petit message de relance ?
Message qui pourrait, éventuellement, prendre la forme suivante : « Pour tous ceux qui n’ont pas concrétisé leur promesse, la date butoir à retenir est « à la fin de l’été ou au début de l’automne 2011 ». Date à laquelle le Président de la République a déclaré qu’il déciderait de sa candidature à la présidentielle de 2012. Merci de concrétiser votre promesse …»