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Les premiers États généraux de l’islamophobie en France se sont tenus ce 11 avril à Saint-Denis (93). Organisé par le Parti des Indigènes de la République (PIR), l’évènement a fait salle comble. L’auteur de L’islam imaginaire, Thomas Deltombe évoque une « une islamophobie systémique des rédactions », alors que le directeur adjoint du Monde Diplomatique, Alain Gresh a posé la question des relations entre « Islamophobie et choc des civilisations. »

A l’occasion de ces premiers États généraux de l’islamophobie, des journalistes et des intellectuels ont décrit les raisons profondes de l’islamophobie qui, pour Sadri Khiari, du PIR, ne se réduit pas à une simple attitude péjorative contre un musulman ou un fait islamique. C’est là, selon lui, une désignation trop générale pour en comprendre les enjeux capitaux. L’islamophobie se nourrirrait de « l’hostilité ordinaire, » qui est née des croisades vis-à-vis des musulmans. Thomas Deltombe, auteur de L’islam imaginaire : la construction médiatique de l’islamophobie en France (1975-2005), évoque « le monologue dans lequel se complaisent les élites médiatiques, via des discours imaginaires plaqués sur la réalité. » C’est ainsi qu’on n’hésite pas à mettre en scène « des faux débats, traitant de fausses thématiques, avec des musulmans cooptés faisant figure de clergé des médias. » Il va jusqu’à évoquer « une islamophobie systémique des rédactions, où de véritables plans de bataille sont mis en place pour instrumentaliser l’islam, voire écarter ou favoriser tels journalistes. » Deltombe évoque la nécessité pour les musulmans de « dépasser son état de musulman pour, en quelque sorte, désislamiser la lutte contre l’islamophobie. »

Un nouvel ennemi pour un nouveau monde

Le journaliste Alain Gresh, directeur adjoint du Monde Diplomatique, a posé la question des relations entre « Islamophobie et choc des civilisations. » Il propose une définition de l’islamophobie : « Le fait de définir les individus dans le monde entier à partir d’une lecture de l’islam qui serait immobile, dans une unification anhistorique des musulmans, sans prendre en compte le contexte social et économique. »

Alain Gresh fait valoir que l’islamophobie dépasse le cadre géo-politique. Elle est liée à l’évolution sociale américaine et européenne : « Avant les années 90, on y parlait que de racisme. Mais ces sociétés connaissent aujourd’hui une crise économique et identitaire, où la visibilité de l’islam s’accroît alors que les fondements de la civilisation occidentale s’appauvrissent ; ce sont les éléments constitutifs de l’islamophobie. »

Quant à la critique de l’islam, il avance que « le principe peut en être sincère. » Mais il relève que, « dans les faits, elle ne s’inscrit pas dans une critique globale des religions, il y a bel et bien une focalisation sur l’islam. » Il souligne le caractère particulier de l’instrumentalisation du choc des civilisations : « C’est le climat islamophobe – plus fort en Europe qu’aux USA – qui permet les nouvelles initiatives coloniales grâce à un habillage qui attire le soutien de la population. »

Revenant sur les caricatures du prophète Muhammad, qui décrit comme « une illustration concrète de l’essentialisation du le monologue dans lequel se complaisent les élites médiatiques, via des discours imaginaires plaqués sur la réalité.discours contre l’islam » : « En tant que journaliste, je dis oui à la liberté de publier. Mais en tant qu’homme, je ne les aurais jamais publiées. On ne pouvait pas faire semblant d’ignorer ce qu’implique le contexte dans lequel elles l’ont été. »

Des savants ignorants de l’islam

Abdelali Elamrani-Jamal, chercheur au CNRS, a présenté une analyse des mécanismes de « l’islamophobie savante. » Le terme désigne des travaux universitaires niant le maillon islamique dans la chaîne de transmission de la culture grecque ancienne à l’Europe occidentale. Elamrani-Jamal regrette cette « remise en cause intempestive par des ignorants de la philosophie et de la science arabes » : « La plupart des grands livres d’Aristote, l’Almageste de Ptolémée, la médecine et l’astronomie grecques doivent leur essort au travail d’étude et de traduction d’hommes comme Averroès et Avicennes. »

En conclusion, Abdelali Elamrani-Jamal rappelle que « cette islamophobie savante est l’aboutissement d’une volonté de réduire le rôle de l’islam en tant qu’apport culturel et scientifique qui remonte au positivisme d’Auguste Conte ; et qu’il s’agit là de tentatives d’inaugurer, au plus haut lieu, des thèses régressives utilisées politiquement par l’extrême droite. »

En attendant qu’elle devienne l’affaire de tous, le PIR annonce une grande campagne contre l’islamophobie via une tournée des grandes villes de France. Celle-ci devrait se conclure par une marche nationale, le 8 mai 2010. Le rendez-vous est pris.

Zaman

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