De plus en plus de personnes âgées sont touchées par la grande pauvreté, a déploré le 14 avril 2010 le collectif Alerte qui craint de voir cette situation s’aggraver.
Les 37 associations et fédérations nationales de lutte contre l’exclusion membres du collectif affirment vivre ce phénomène au quotidien sur le terrain : précarisation des personnes âgées de plus en plus nombreuses à se retrouver à la rue, problème d’insolvabilité (de la personne âgée et de sa famille) pour financer les coûts liés à l’hébergement en maison de santé ou aux soins de santé, isolement de ces personnes lié à la complexité de l’accès à une prise en charge (en institution ou à domicile)…
Concrètement, les associations enregistrent une forte augmentation de la présence des personnes âgées dans leurs lieux d’accueil, de demandes d’aides financières, alimentaires, médicales… Cette situation de précarisation «risque de s’aggraver sous l’effet de la crise économique et en fonction de choix qui seront retenus par la future réforme des retraites,» s’inquiète le collectif Alerte. Et de citer le récent rapport de l’Onpes qui observe une interruption dans le mouvement de baisse de pauvreté de ce public et le fait que le minimum vieillesse reste inférieur au seuil de pauvreté pour une personne seule.
Mais il indique surtout que «les inquiétudes relatives à la pauvreté des personnes âgées s’expriment essentiellement pour l’avenir.»
Une enquête des Petits frères des pauvres
«Nos équipes nous font part de situations de plus en plus complexes et alarmantes,» a indiqué Jean-François Serres, secrétaire général des Petits frères des pauvres. Les personnes âgées, signalées par les bénévoles l’association, n’arrivent plus à faire face aux dépenses de la vie courante.
Si le niveau de vie des retraités est meilleur qu’il y a trente ans, il cesse d’augmenter depuis la moitié des années 90. Surtout, la concentration du patrimoine sur quelques uns dissimule de très fortes inégalités. Le minimum vieillesse, environ 700 euros par mois touchés par 600.000 personnes, est en-dessous du seuil de pauvreté (900 euros). Cette allocation, versée généralement en complément d’une faible retraite, est même la seule source de revenus pour 70.000 personnes, selon les statistiques ministérielles.
L’association des Petits frères des pauvres constate de plus en plus de personnes âgées isolées, pauvres rencontrées dans les maraudes, les hébergements d’urgence, les centres d’action sociale municipaux, les aides alimentaires, les Ehpad, par les voisinages… Elle a sollicité ses équipes pour comparer sur cinq ans la situation des personnes accompagnées. Près de 2000 bénévoles se sont exprimés au cours du dernier trimestre 2009. Leurs analyses confirment et précisent des points mis en évidence par l’étude sur l’isolement mené par un collectif de 11 grand réseaux associatifs (5000 personnes interrogées) en 2004.
Constat : des situations alarmantes dans les zones de marginalisation. Les aides financières exceptionnelles des petits frères des Pauvres – attribuées ponctuellement une fois que les aides légales et extra légales aient été mobilisées pour l’aide alimentaire, au paiement d’un hébergement, aux transports, au maintien dans un logement, aux frais de santé, aux déplacements, loisirs… (720 000 euros par an) – sont aujourd’hui en question, elles se transforment en «allocations supplétives,» indispensables chaque mois pour certaines personnes.
La précarité et l’isolement combinées
La situation des personnes âgées pauvres se dégrade : augmentation des dépenses courantes (logement avec notamment une revalorisation limitée des allocations par rapport à la hausse des loyers), santé avec l’alourdissement du reste à charge pour les assurés sociaux, énergie, produits de première nécessité, de consommation de base), minima sociaux n’ayant pas suivi l’évolution du seuil de pauvreté (l’APA comme le minimum contributif (MICO), même majoré, restent sous le seuil de pauvreté), complexité des mesures d’aides (la complexité administrative rend l’accès aux aides difficiles voire impossible sans le soutien d’une tierce personne).
Autre constat dressé par les Petits frères des pauvres : la pauvreté et l’isolement combinés entraînent les personnes dans une spirale descendante. Aujourd’hui, deux tranches d’âge sont particulièrement vulnérables : les 50-65 ans entrent par la pauvreté dans l’isolement ; les 75-85 ans entrent par l’isolement dans la pauvreté.
Les propositions du collectif Alerte
Face à contexte alarmant, Olivier Bres, président d’Alerte et secrétaire général de la Fédération de l’entraide protestante, a présenté plusieurs revendications du collectif :
* Le relèvement des minima sociaux qui doit tenir compte de l’augmentation des dépenses contraintes (logement, fluides..) qui pèsent fortement sur les plus pauvres, et leur laissent un «reste à vivre» souvent insuffisant.
* Une attention à la situation des plus pauvres, des personnes éloignées de l’emploi, dans les projets de réforme des retraites. «Si nous constatons que les partenaires sociaux et le gouvernement les oublient, nous leur rappellerons les exigences d’une solidarité qui doit prendre en compte toutes les catégories de population,» a affirmé Olivier Bres.
* La nécessité d’offrir aux personnes âgées des conditions d’accompagnement et de prise en charge vraiment accessibles à tous. Alerte insiste sur cette revendication compte tenu de la période de difficultés financières de l’État et des collectivités territoriales.