La déroute financière de la Grèce, et les premiers signes de contagion au Portugal et à l’Espagne, pourraient-ils entraîner une nouvelle crise grave du système bancaire européen ?
Échaudées, voire aguerries, par le choc des subprimes de 2007 et la crise mondiale qui s’en est suivie, les autorités de régulation des États européens s’emploient à rassurer sur l’exposition de leurs banques à la dette grecque, afin de ne pas laisser la peur se diffuser sur les marchés financiers. Le poids de ces titres de dette dans les comptes des établissements financiers resterait, dans la plupart des pays, contenu. Un défaut de paiement de la Grèce aurait un effet limité.
C’est le cas du gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, rapidement monté au créneau sur le sujet : “L’exposition des banques françaises à la crise grecque ne suscite pas d’inquiétude particulière,” a affirmé M. Noyer le 9 avril, en admettant cependant “surveiller de près” la situation.” Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), les banques françaises seraient exposées à hauteur d’une cinquantaine de milliards d’euros en Grèce, un montant important, en tant que propriétaires d’obligations émises par l’État grec et créancières au secteur privé.
De bonne source, le Crédit agricole, l’un des principaux concernés, est exposé à hauteur de 300 millions d’euros à la dette grecque, via sa filiale Emporiki, un chiffre relativement mesuré comparé aux dizaines de milliards d’euros de dette détenues par les autres grandes banques helléniques.
Officieusement toutefois, l’inquiétude est bien de mise alors qu’il est très difficile, voire impossible, à ce jour, de connaître précisément, et de manière incontestable, l’exposition des banques européennes à la Grèce – et de la même façon au Portugal et en Espagne, dont les notes de crédit vient d’être dégradées par l’agence Standard & Poor’s – par pays et a fortiori par établissement.
Au doigt mouillé
Des estimations sont faites, au doigt mouillé, par des cabinets d’analyse, qui croisent différentes données, officiellement obtenues auprès des agences de dette publique nationales, comme la répartition de la dette par type d’investisseur (43 % pour les banques, premières détentrices devant les gérants de fonds avec 19 % !) et la répartition de cette même dette par pays (par ordre décroissant, 30 % pour la Grèce, 23 % pour le Royaume-Uni/Irlande, 11 % pour la France, 9 % pour l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche ensemble, etc.).
Avec leurs 51 milliards d’euros de dettes et de créances privées, les banques françaises se situeraient devant les banques allemandes (31 milliards d’euros) et les banques britanniques (10 milliards). Ce chiffre masque toutefois des réalités disparates, avec, comme lors de la crise des subprimes de 2007, si l’on peut oser ce parallèle, des expositions plus élevées selon les établissements. Il en est ainsi de la petite banque allemande Hypo Real Estate, déjà sauvée de la faillite par l’État en 2009, qui posséderait… 7,9 milliards de dollars (6 milliards d’euros) de dette grecque !
C’est bien cette surexposition qui préoccupe les analystes, au moment où le système bancaire mondial se relève à peine de la crise financière de 2007.