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Par le Père Augustin
Ce dimanche, dans un passage du chapitre 16 de saint Jean, le Christ parle en énigme, de façon mystérieuse, comme pour exciter notre curiosité : il nous annonce « un autre Paraclet », un Défenseur, l’Esprit saint, Esprit de vérité et il dit : « Une fois venu, il convaincra le monde au sujet du péché, de la justice et du jugement. Du péché parce qu’ils ne croient pas en moi. De la justice parce que je vais au Père et du Jugement, parce que le Prince de ce monde est déjà jugé ».

On pense à d’autres énigmes de ce genre qui contiennent un enseignement très élevé, comme cette phrase qu’on lui reprochera à son Procès : « Détruisez ce Temple et en trois jours je le rebâtirai ». Phrase énigmatique elle aussi pour laquelle saint Jean nous donne la solution : « Il parlait du Temple de son corps ». On trouve cette phrase dans les Synoptique, Matthieu, Marc et Luc. C’est elle que donne les « faux témoins » qui vont faire condamner Jésus par Caïphe le grand Prêtre. Mais aucun des trois ne donne l’explication. Saint Jean la cite et l’explique : le Temple est la présence réelle de Yahvé au milieu de son Peuple. Il renfermait dans le Saint des saints les dix Paroles de Dieu, les dix commandements donnés par Moïse, cette Loi de Dieu (Torah) qui est Dieu. Le Christ succède à la Torah, parce que, comme dit l’Epître aux Hébreux, « en lui habite corporellement la plénitude de la divinité ».

Ce Mystère du Temple contenait une explication de la mission du Christ, qui est Dieu parmi les hommes, sujet divin dans une nature humaine.
Cette fois, c’est la mission du Saint Esprit qui est ici définie, le Saint Esprit qui n’est rien d’autre que l’Esprit de Dieu, c’est-à-dire Dieu lui-même.
« Il convaincra le monde… ». Dans le texte latin littéralement traduit du grec originel : arguet. C’est un verbe qui décrit un procès, procès perpétuel entre le monde et Jésus Christ, qui s’est soldé par la double condamnation prononcée par Caïphe le grand prêtre (« Il s’est fait l’égal de Dieu ») et par Pilate le gouverneur romain. Procès qui continue avec les disciples de Jésus dont l’Esprit saint est le Paraclet, le défenseur.
Drôle de défenseur dont la défense porte sur le péché et sur le jugement. Défenseur objectif devrait-on dire, qui « suggère toute vérité », qui fait la lumière, en désignant le péché du monde. Quel est ce péché ? Un débordement sexuel ? Des violences insupportables contre tout ce qui représente « la veuve et l’orphelin » ? Non. Le péché désigné par le Christ est ce qu’il appelle ailleurs le péché contre l’Esprit saint, celui de l’homme qui ne veut pas reconnaître qu’il a en lui une âme certes, un principe de vie, mais qu’il a aussi un esprit (pneuma) un souffle, un élan qui le conduit au-delà de lui-même, au-delà du temps et de l’espace, au-delà de l’immédiateté et de la satisfaction. Cet au-delà, c’est ce que l’on appelle l’espérance. Le premier acte de cet esprit en nous est un acte d’espérance. Il y a de très beaux textes sur ce sujet du philosophe Gabriel Marcel dans son livre Homo viator.
Pour mettre l’espérance à son vrai niveau, au-delà de nous-mêmes et non en nous-mêmes, il faut comprendre le péché qui est en nous. Reconnaître son péché, comme fait dire Dostoievski au staretz Zossime dans Les Frères Karamazov, c’est déjà aspirer à autre chose. Il dit même : c’est déjà recevoir le pardon de Dieu.
Aujourd’hui, curieusement, on ne veut plus parler du péché. On oublie qu’il y a un indispensable « travail du négatif ». L’expérience du péché est celle que nous faisons avant même l’expérience de Dieu. Ayant touché du doigt notre faiblesse, nous sommes prêts à mettre notre espérance non dans nos propres forces, mais dans le salut que Dieu nous apporte en Jésus Christ.
Jésus Christ est aussi le juge de ce monde. « Tout jugement m’a été remis par le Père » (Jean 5). Mais la bonne nouvelle (Evangile) c’est que c’est Satan, l’Adversaire, qui est « déjà jugé ». Il va être « jeté dehors ». J’ai parlé de l’esprit (pneuma) qui nous emmène au-delà de nous-mêmes. Il y a aussi le mauvais esprit, Satan, l’adversaire, l’esprit de révolte et non l’esprit d’amour. Dans le cérémonial du baptême, on trouve cette phrase : « Sors de cet individu, esprit impur et cède la place à l’Esprit saint ». Voulons nous nous solidariser avec Satan, avec la Révolte pour subir le jugement qu’il subit ? Satan est le Prince de ce monde, il est obscurément l’inspirateur de ce monde. Voulons nous échapper à ce jugement du monde, qui se solidarise avec l’esprit de révolte ? Acceptons-nous le Christ qui est « l’Amen de Dieu » (Apocalypse), le grand Oui inconditionnel à tout ce que nous sommes et à tout ce que nous pouvons devenir dans l’Esprit saint qui fait de nous « une création nouvelle » (Galates 6) ? « Toutes les promesses de Dieu ont leur « Oui » en Lui. Aussi bien est-ce par lui que nous disons notre « Amen » à Dieu » dit saint Paul (II Cor 1, 20).
« L’Esprit saint convaincra le monde au sujet de la Justice parce que je vais au Père ». Nous comprenons peut-être mieux ce que le Christ appelle la Justice. Le Christ est la Justice de ce monde parce qu’il accomplit les promesses du Père en manifestant que sa mort violente sur la Croix n’est pas la fin de son aventure mais une manière pour lui « d’aller au Père » de se solidariser définitivement avec le Père et de réaliser pour le monde les promesses du Père. Cette Justice, parce qu’elle s’exerce d’auprès de Dieu, n’est pas un pur idéal, rêve impuissant de tous les idéologues. C’est Kant, l’homme des Lumières qui évoquait « l’idéal de la raison pratique ». Fragilité de l’idéal, qui est le rêve de l’homme (l’espérance de l’homme) sans la puissance de Dieu. En réalité, dans le Christ, « puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (I Cor), la Justice n’est pas un idéal. Elle est l’ultime accomplissement du monde, elle est le salut à portée de main pour « tous les hommes de bonne volonté ».

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