En janvier 2010, était proposé sur le Blog Économique et Social la création d’un label “Made in France” avec même un détail concernant la conception, l’assemblage et l’emballage. Finalement le gouvernement finit par y venir et un rapport devrait être disponible le 5 mai prochain sur le sujet.
Christian Estrosi indique qu’il s’agit « d’informer le consommateur qu’une majorité de la fabrication d’un produit donné, de la conception à l’assemblage (en) passant par ses composants, est faite en France ». Estrosi veut un étiquetage qui affiche l’origine et le pourcentage de chacun des composants d’un produit. Selon un sondage commandé par le ministère de l’Industrie, 88 % des Français estiment que les entreprises françaises doivent produire majoritairement en France pour soutenir la croissance et l’emploi.
Mais la création d’un tel label n’est pas suffisant, il faut surtout mettre en place une politique économique qui considère que l’industrie est au coeur du développement économique de la France.
À cette occasion, BFM y consacre un dossier sur son site. L’occasion d’étudier les témoignages proposés et d’y réagir.
Agnès Troublé, fondatrice d’Agnès b: « On a une demande maintenant de l’orient, ils veulent que ce soit marqué fabriqué en France et j’ai créé une nouvelle griffe Agnès B Fabriqué en France qui va être apposé sur tout ce que l’on fait en France. »
Oui en effet, les pays émergents on une véritable volonté de montrer leur nouveau pouvoir d’achat en n’achetant des produits fabriqués à l’étranger, car chers, donc étant les attributs de la réussite. Évidemment une marque Française fabriquant en pays low-cost fait beaucoup moins prestigieux et amène potentiellement tous les problèmes de qualité que nous avons tous avec des produits peu chers. Il est donc fondamental de proposer cette marque de réussite chère et de qualité. Il y a vraiment un marché pour cela à condition de communiquer clairement sur le lieu de fabrication. Un PDG chinois me disait “Je ne veux plus que mes enfants achètent des produits Chinois [ndlr: produits alimentaires] car ils ne sont pas sûrs…” suite au scandale du lait contaminé…
Agnès Troublé: « Le problème c’est qu’on n’est pas compétitif en France, les entreprises ont trop de charges. Une minute de travail en France, c’est 70 fois plus cher qu’une minute en Thaïlande. Et puis en plus, on vend en Euros, l’euro est relativement fort. Il y a même des fournisseurs qui ont été obligés eux-mêmes de délocaliser. »
Essayer de comparer les coûts de la Thaïlande et ceux de la France et en déduire que nous sommes trop chers est une aberration. Si seul le coût compte, il faut aller en Thaïlande ! C’est bien parce que le coût n’entre pas seulement en ligne de compte qu’il y a encore de la fabrication française même si elle est en voie d’extinction. Vouloir faire baisser les coûts Français pour concurrencer ceux des pays low-cost est non seulement impossible, mais suicidaire. Il est donc bien évident que si nous devons rester attentifs aux coûts, cela ne sert à rien de se mettre dans une position de concurrence avec des pays sans rapport. Il faut donc être attentif aux coûts du travail, mais en comparaison avec celui de pays développés. La vraie concurrence est bien là. Ensuite, il faut cultiver notre spécificité et la marque « Made In France. » En particulier, les designers, concepteurs, ingénieurs et ouvriers français devraient être particulièrement attentifs à la qualité de conception et de fabrication, car c’est un des points de démarcation.
Quant à l’Euro fort, c’est effectivement une des grandes arnaques de l’Europe. Car s’il favorise les achats à l’étranger (et donc les délocalisations et les plans sociaux, car les produits étrangers deviennent moins chers), il défavorise de la même manière nos produits français à l’étranger. Il crée donc un déséquilibre sur les deux tableaux et sans aucune possibilité de rééquilibrage par le biais d’une dévaluation. Quant à la contrepartie positive de l’euro, elle est difficile à trouver…
Rappelons que Maisons de luxe et façonniers ont signé il y a quelques jours une « charte de bonnes pratiques » pour améliorer leurs relations. En une dizaine d’années, le nombre d’emplois chez les façonniers a été divisé par deux, passant de 10.000 à 5.000. Le maintient des emplois est stratégique, car ce qui fait la différence entre Paris et d’autres grandes villes de la mode est l’important savoir-faire des ouvriers spécialisé du domaine. Laissons filer ca et c’en sera fini de la suprématie de Paris concernant la mode et le luxe.
Olivier Delinotte, président des Établissements Genete à Auxerre « C’est très important le made in France, mais c’est très difficile à défendre aujourd’hui, parce que financièrement c’est pas jouable. L’agroalimentaire, les voitures, les avions tout ce fait en Chine donc voila. Pareil pour la mode. Et c’est fini on produira plus jamais en France. Made in France c’est de l’exceptionnel quoi. Oui, il ne restera plus que l’exceptionnel et ce sera exceptionnel qu’il y en ait c’est tout… »
Que dire de cette déclaration ? Nous serions tentés de plaindre les pauvres employés de ce monsieur, car, vu ses déclarations, ils n’en ont plus pour longtemps… Comme déjà dit, pas question de comparer la France à la Thaïlande. Cela n’a aucun sens. Dire que tout est déjà fabriqué en Chine est non seulement faux, mais abusif. Monsieur Delinotte ignore sûrement que 50 % des véhicules de PSA vendu dans le monde sont (encore) fabriqués en France et que les avions également. Rappelons-lui que, si plus rien n’est, à terme, fabriqué en France, lui aussi n’aura plus de travail ! En effet nous apprenons dans un livre publié aux États-Unis que 14 millions de cadres seraient délocalisés dans ce pays, nous n’y échapperons pas non plus. Idem pour les dirigeants.
Denis Gancel, agence W & CIE: « La France et l’Europe est la zone la plus attractive au monde […] et que paradoxalement la France est sans doute le pays qui dit le plus de mal de lui-même. […] Il y a un complexe d’infériorité français. »
Le Baromètre Ernst & Young de l’Attractivité européenne 2009 (paru en juin) indique que le Royaume-Uni est toujours en tête des pays les plus attractifs d’Europe avec 686 projets accueillis en 2008, ce qui représente néanmoins une baisse de 4 % par rapport à 2007. Et le podium reste inchangé malgré la crise : le Royaume-Uni est suivi de la France, de l’Allemagne et de l’Espagne, comme c’est le cas depuis 1997. Attractivité positive ou relativement stable pour l’Allemagne (+28 %), la Suisse, la Suède, l’Italie et l’Irlande (+35 %). Londres, qui occupe en 2008 – et pour la 7e année consécutive – la position de ville européenne leader en termes d’attractivité, n’est cependant pas épargnée par la crise puisqu’elle enregistre une baisse de 14 % du nombre de projets par rapport à 2007. Elle se détache toutefois encore nettement de ses rivales européennes les plus proches, Paris, deuxième et, troisième Madrid.
Le rapport indique ainsi « Pour 2008, les investisseurs internationaux ont considéré l’Europe occidentale en général, et le site France en particulier, comme des « valeurs refuges ». Le pragmatisme l’emporte sur l’esprit d’aventure. Ils y ont maintenu un nombre de projets d’implantation sensiblement équivalant à celui de 2007, mais en réduisant de 11 % les créations d’emploi (contre – 2 % en Europe occidentale). »
Concernant la France : « alors que l’impatience des décideurs se faisait chaque année plus forte à l’égard de ses handicaps, en ce début 2009 ils sont 75 % à exprimer leur confiance dans les capacités de la France à affronter la crise. Mieux encore, 29 % déclarent leur intention d’y développer de nouvelles activités, soit dix points de plus que l’année précédente. »
Enfin : « Avec 523 annonces d’implantations par les investisseurs étrangers en 2008, la France conserve sa deuxième place européenne derrière le Royaume-Uni, lui-même bousculé, mais toujours leader avec 686 projets. » « Parmi les secteurs sinistrés, la construction automobile et ses équipementiers, l’électronique et l’informatique. »
L’Europe occidentale est bien la plus attractive des régions du monde avec 40 % d’implantations étrangères en 2009 en hausse de 33 %! Alors, par exemple que la Chine n’attique « que » 33 %, mais en baisse de 47 % ! Outre l’Europe occidentale, seuls le Brésil (+10 %) et l’Amérique du Nord (+21 %) sont en augmentation… L’Europe occidentale est la région du monde ou les investisseurs ont le plus confiance en la capacité de sortir de la crise (74 %) contre, en deuxième position, la Chine (70 %) a égalité avec l’Amérique du Nord (+69 %).
Ce qui attire les investisseurs est la présence d’infrastructure logistique et transports (52 %), de la présence de main-d’œuvre qualifiée (49 %), de la stabilité politique et juridique (49 %) et le marché intérieur et régional (47 %). En revanche, le coût de la main d’œuvre ne représente « que » 45 % et la taxation des entreprises 42 %. Ceci est étrange, car c’est justement sur ces deux points et uniquement ceux-là que le gouvernement communique alors que relativement ce sont les plus faibles…
Les principaux atouts de la France sont : sont indépendance énergétique 39 % (merci EDF), son innovation (35 %), ses spécificités sectorielles fortes (33 %) et la stabilité se son secteur bancaire (32 %).
En revanche, l’Allemagne a plus d’atouts pour sortir de la crise que la France et est considérée comme son principal concurrent. Vient ensuite très loin derrière la concurrence du Royaume-Uni. Pourquoi ? Parce que le marché intérieur de l’Allemagne est considéré comme plus dynamique et que le droit du travail, les conditions de licenciement et la durée sont plus flexibles au Royaume-Uni. Autre différence : 70 % des investisseurs considère que la France est plus compliquée que ses concurrents ! Enfin ils considèrent qu’il faut développer la culture de l’innovation et la créativité dans l’enseignement (43%) et mettre en place une fiscalité favorable aux entreprises innovantes (42%).
Les secteurs d’avenir pour la France sont : L’énergie et « Utilities » (46%), les éco-activités et technologies vertes (41%), puis les Technologies de l’Information (24%).
Traduisons et résumons, la France :
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Est bien placée dans le monde, même par rapport à la Chine
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L’Allemagne est le plus gros concurrent de la France
- Il faut maintenir les infrastructures et notre main-d’oeuvre qualifiée et s’assurer d’une stabilité politique et juridique
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La France dois miser sur son innovation et améliorer l’importance de ce point dans l’enseignement supérieur
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La simplification des lois du pays, de la bureaucratie et du droit du travail serait un atout supplémentaire
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Une fiscalité avantageuse pour les entreprises innovantes doit être mise en place
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Nous devons mettre en place une politique économique qui considère que l’industrie est au coeur du développement économique de la France
Ainsi, nous devons cesser de nous plaindre et de critiquer notre pays, mais au contraire être plus positifs, stopper notre complexe d’infériorité, miser sur l’investissement, et se comparer sans cesse à l’Allemagne, notre principal concurrent.
Denis Gancel, agence W & CIE: « Je ne suis pas très à l’aise avec le ‘Made In’, par ce que je pense qu’il y a un problème sur le ‘Made’ et un problème sur le ‘In’, c’est à dire il y a un problème sur le ‘Made’ car le sujet c’est pas de fabriquer, mais de concevoir, et il y a un problème avec le ‘in’ parce que le sujet c’est pas tant de revendiquer une origine 100% Française que de montrer un esprit français ou un génie français. Je trouve que c’est ca qu’il faut mettre en valeur. […] Il y a cette idée de laisser une trace positive et j’espère que la France saura le faire. »
Autant sur le sujet du complexe français qu’il faut abattre, je partage entièrement son avis, autant dire que l’idée d’un « France inside » est une fumisterie absolue. Comparer le « Intel inside » à un « France Inside » n’a aucun rapport, car dans le cas d’Intel, il y a vraiment un produit Intel dans les produits « Intel inside. » Dans l’idée du « France inside » il n’y aurait plus que du vent. Croire qu’un pays comme la France peut vivre uniquement de recherche et de brevets est ridicule, c’est bien une idée de publicitaire et de Parisien incorrigible d’oublier qu’il faut également nourrir des millions d’ouvriers et de techniciens. Quant à « laisser une trace positive », il y a un relent de fin de règne et de civilisation disparue (une trace est ce qu’on laisse après être parti) qui contraste avec le reste de l’émission plutôt positive pour l’avenir de la France… Mais peut-être que Denis Gancel, lui, n’y croit pas tant que cela à la France ?
Blog Économique et Social
(Merci à Aetius)
Par ailleurs, nous vous signalons l’existence du site La Fabrique Hexagonale qui permet de trouver ce qui est encore fabriqué en France et de connaître les entreprises qui fabriquent leurs produits sur notre sol.