Elle crève à petit feu. Parce que ses gestionnaires se sont fourvoyés à dépenser sans compter, à multiplier les emprunts foireux, à truquer les comptes, à faire semblant que tout allait bien quand tout allait mal. Mais le couperet est tombé : compte bloqué. Non, non, “elle” n’est pas une banque qui aurait spéculé sur des options moisies, fourrées de subprimes…
Ce serait si simple… si la Grèce était une banque, elle aurait déjà reçu des dizaines de milliards d’aides d’urgence, elle aurait pu emprunter à volonté au taux hallucinant de 1%, qui lui aurait permis de placer ses billes flambant neuves à 3 ou 4% dans… des emprunts d’État. Elle se serait refaite, petit à petit. Personne ne s’en serait même inquiété. Si la Grèce était une banque, rien n’aurait changé. Elle aurait continué à gaver ses oligarques et à dépenser à vau l’eau, encore et encore.
Ironie du sort : les banques, à l’origine de cette maudite crise qui fait déraper les États les uns après les autres, ont pourtant été les premières à s’en sortir, sauvées in extremis par… les États. Aujourd’hui, elles empilent les bénéfices, aux dépens… des États ! Et devinez quoi… elles vont même jusqu’à aider ces mêmes États à maquiller leurs comptes. Résultat des courses, la Grèce se retrouve à emprunter à un taux cinq fois plus élevé que les établissements financiers. Un comble.
Mais la Grèce n’est pas une banque. Elle va devoir renégocier sa dette. Sauf que les marchés n’en veulent plus : pourquoi prendre le risque d’un non-remboursement quand des dizaines de milliards d’emprunts d’États solvables (jusqu’à nouvel ordre) tombent tous les mois ? Hein, pourquoi ? La Grèce va donc devoir agiter sa sébile en direction du FMI et de ses amis européens (*). Et les amis, ils ne rigolent pas. 5%. C’est le tarif. La France pourrait ainsi tirer 200 millions d’euros de bénéfices de son aide ô combien désintéressée, en contrepartie de fermetures d’écoles, d’hôpitaux, de services publics et sociaux… Il n’y a pas de petits profits. “La moitié d’un ami, c’est la moitié d’un traître“… Victor Hugo est dépassé.
Grèce en tics et en toc
Au final, la Grèce fait trembler l’Europe…
À reléguer le volcan islandais au rang de pétard mouillé sans intérêt (et avec un nom plus facile à prononcer). En outre, les fondations du Portugal et de l’Espagne se fragilisent, menaçant l’ensemble de l’édifice européen. “Les marchés réagissent à la baisse” lit-on dans nos meilleurs canards. Les marchés, vous savez, ces terrains de jeux pour cols blancs cravatés qui parient nos pécules sur l’autel de l’ultralibéralisme, que vous pensiez pourtant sagement planqués dans un coffre-fort inébranlable. Hé bé, ces marchés, ils sont à deux doigts de la panique, nous déclare-t-on. Curieux, car ce qui se passe actuellement est prévu depuis des mois… Et le pire est à venir.
On panique ou pas, là ?
En réalité, les choses sont un poil plus complexes. Les marchés ne paniquent pas vraiment. Pas encore. Pour l’instant, les spéculateurs jouent à la baisse. Et plus ils jouent, plus ça baisse. Et plus ils gagnent. Tout va bien, donc. Sauf que… quand un mur s’effondre, il ébranle les autres. Et la santé de nos valeureuses banques ne tient plus qu’à un fil. Depuis l’année dernière, les établissements financiers européens alignent des bilans impressionnants, grâce à leurs activités spéculatives. Ni plus ni moins. Or, quand les marchés boursiers et financiers deviennent instables, les spéculateurs risquent une sortie de route à chaque virage. Par définition.
Une aide… uniquement si la Grèce va bien !
La route est loin d’être droite, et en plus, la pente est rude. Ce qui fait dire à l’inénarrable Christine Lagarde, que “nous ne décaisserons pas l’intégralité des sommes tout de suite. Nous le ferons au fur et à mesure des besoins et en cas de défaut de paiement, nous mettrons aussitôt le pied sur la pédale du frein.” Vous suivez ? La France ne sauvera la Grèce que si elle se porte bien. C’est pas gagné, vu que le “défaut de paiement” est envisagé d’ici quelques semaines. Et puis finalement, ils n’ont qu’à se mettre à la bicyclette, ces flemmards de grecs, non ?
“En Grèce, les sages parlent et les imbéciles décident” disait Anacharsis. Une chance ! En France, les imbéciles monopolisent et le pouvoir, et la parole…
(*) : Ce qui est d’ailleurs strictement interdit en Europe, comme a essayé de nous le rappeler l’Allemagne. Sacrés Allemands, qui ne comprennent toujours pas que les lois sont faites pour être contournées !