Le plan de stabilisation de la zone euro pourrait coûter cher à la France et le risque d’un endettement supplémentaire n’est pas exclu… La contribution de l’Hexagone se chiffre à 88 milliards d’euros, selon Christine Lagarde. Soit 20% des 440 milliards qui serviront de garantie afin de constituer une nouvelle entité capable de lever des fonds sur les marchés financiers pour ensuite aider un État membre en difficulté.
Après avoir adopté un plan d’aide à la Grèce d’un montant de 110 milliards d’euros, l’Union européenne et le Fonds monétaire international ont créé un fonds d’urgence d’un montant de 750 milliards d’euros. Un plan d’une ampleur historique. S’il vise à éviter une contagion de la crise, de plus en plus probable en raison de la défiance des marchés, il n’est pas sans risque pour les économies des pays concernés. Et donc pour leur population.
La part de la France représente «à peu près 20%» de ces 440 milliards d’euros, soit un peu plus de 88 milliards d’euros, a indiqué Christine Lagarde ce lundi. Cette somme viendra-t-elle s’ajouter aux 6,3 milliards d’euros prêtés à la Grèce, dont 3,9 dès 2010?
En principe non. En aucun cas, il ne s’agit d’un prêt, a assuré la ministre de l’Économie, soulignant que cette garantie n’alourdirait donc pas la dette de la France tant qu’elle ne serait pas mise en oeuvre.
«On fournit cette garantie à un fonds de stabilisation européen et ce fonds de stabilisation européen, dûment muni de la garantie des États, pourra aller emprunter sur le marché pour acheter de la dette d’États au sein de la zone euro qui seraient fragilisés,» a-t-elle expliqué.
Cette garantie ne deviendra donc une dette pour la France que si un État fait défaut et est incapable de «rembourser les sommes qui seraient dues au fonds de stabilisation européen,» a-t-elle poursuivi. Soit une hypothèse «hautement improbable,» selon la ministre.
Un risque de surendettement
Reste qu’elle n’est pas totalement exclue. «On est face à un problème de surendettement des États,» explique Nicolas Bouzou, directeur de l’institut d’analyses économiques Asteres. Pour y faire face, «on se refile les dettes entre pays européens. Mais il y a toujours un risque de ne pas être remboursé.» Quant à la Grèce, le spécialiste n’est pas très optimiste: «Elle va finir par faire défaut et sa dette va devoir être rééchelonnée.» En somme, selon lui, «l’UE est en train de se donner une bouffée d’oxygène,» pas plus.
Un laps de temps qui permet toutefois de rétablir la confiance des marchés et d’éviter l’emballement. Les bourses étaient d’ailleurs toutes dans le vert au lendemain de l’annonce du plan européen. Mais «un rebond de 8% du CAC 40 prouve tout de même que les marchés sont extrêmement volatiles et nerveux», relativise Benjamin Carton, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). «Le risque encouru serait d’autant plus grand si on ne venait pas en aide aux pays les plus fragiles,» estime toutefois Alexander Law, économiste à l’institut Xerfi.
Des impôts au niveau des dépenses?
Les spécialistes s’accordent cependant sur un point: pour que ce type de plan soit le moins risqué possible et éviter une rechute, il va falloir que les États européens dans leur ensemble s’attellent à réduire leurs déficits. «On va le payer avec des plans d’austérité», anticipe Alexander Law. Des plans qui peuvent s’avérer longs et douloureux, explique Benjamin Carton, dans la mesure où ils ne peuvent pas être compensés par une relance des exportations grâce à la dévaluation de la monnaie, euro oblige.
En France, ce redressement budgétaire semble déjà engagé avec un gel des dépenses de l’État prévu sur trois ans. Mais il pourrait s’avérer plus drastique, selon les analystes, qui préconisent tantôt une réforme de la protection sociale tantôt une hausse des impôts. «En France, depuis un nombre d’années considérables, on ne met pas les impôts au niveau des dépenses,» constate Benjamin Carton. Le gouvernement actuel n’a pas l’air de l’envisager d’ici à 2012, date de la prochaine élection présidentielle.
La ministre des Finances a toutefois précisé qu’il était “hautement improbable” que ces fonds soient effectivement débloqués. Il faudrait en effet qu’un des pays ayant bénéficié de l’aide fasse faillite.
Christine Lagarde n’a en revanche pas précisé le montant de la participation de la France à l’autre mécanisme de soutien, qui prévoit la création d’un fonds communautaire doté de 60 milliards d’euros. Contrairement aux garanties, ces fonds seraient mobilisables très rapidement dans l’hypothèse où un pays de la zone euro ne parvenait plus à se refinancer à un taux raisonnable.
Rappelons que le plan dessiné par l’Union européenne comprend aussi une contribution du Fonds monétaire international à hauteur de 250 milliards d’euros. Par ailleurs, la Banque centrale européenne a annoncé dans la foulée qu’elle allait racheter des titres de dettes publiques et privées de la zone euro, mesure qu’elle s’interdisait encore de prendre il y a quelques jours.