Il existe un précédent au cas de la Grèce, celui de la Lettonie qui a bénéficié d’un prêt du FMI et de l’Union européenne en contrepartie d’un plan de rigueur. Résultat édifiant : une récession de – 26% ! Voilà qui promet pour la Grèce et le Portugal.
Petit pays balte de 2,2 millions d’habitants, la Lettonie a aujourd’hui le triste privilège d’être fréquemment désignée comme l’exemple à ne pas suivre. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, elle faisait figure de «tigre» avec ses deux voisines l’Estonie et la Lituanie, elles-aussi ex-républiques soviétiques, avant de rejoindre avec Riga l’Union européenne en 2004.
Le fauve letton a connu une croissance rare -9% annuels entre 2000 et 2007 ! L’une des croissances les plus rapides au monde, accompagnée, en toute logique, d’une hausse vertigineuse des salaires, qui ont doublé entre 2005 et 2008 ! Suivit une ruée sauvage sur l’immobilier, et la consommation, qui firent exploser les prix et ont conduit à un endettement considérable –la Lettonie bat tous les records européens avec 89,3 % de prêts libellés en euros.
La chute n’en fut que plus rude, courant 2008. Après les années d’euphorie, où les ménages et les entreprises ont massivement emprunté, le «tigre» balte a reçu en pleine gueule l’arrêt brutal des flux de capitaux, l’explosion de la bulle immobilière et l’effondrement du commerce mondial. Sous l’effet de ce triple choc, production, investissements, et consommation se sont effondrés, tandis que le chômage triplait en quelques mois, dépassant 18%.
Ces problèmes étaient pourtant prévisibles, se désole Jeffrey Sommers, de la Stockholm School of economics à Riga. «Sans régulation des prix ni protection industrielle, avec une politique fiscale qui appauvrit le travail et le capital industriel en récompensant les spéculateurs, l’économie lettonne s’est peu développée. Ce qu’elle a réussi – et qui lui a valu tant d’applaudissements en Occident- c’est d’accumuler avec empressement d’énormes dettes pour financer ce désastre économique.»
C’est alors que les pompiers du FMI sont arrivés, avec dans leur besace, un prêt de 7,5 milliards d’euros, dont 1,7 milliards fournis par le Fonds, 3,1 milliards par l’Union européenne, 1,8 milliards par les pays nordiques, le reste par la banque mondiale, Prague, la BERD, Tallin et Varsovie. Pour obtenir ce prêt, Riga a dû adopter un plan de rigueur ultra spartiate : les fonctionnaires ont vu leurs salaires amputés de 30 %, le salaire minimum a fondu de 20 %, à 140 euros par mois, les retraites ont baissé de 10 %, les salaires des enseignants de 50 % et les dépenses de santé ont été amputées d’un tiers.
Résultat : après une chute de 4% de son PIB en 2008, puis de 18% en 2009, avec une baisse de 26% des recettes budgétaires, l’ampleur de la dépression lettonne dépasse celle des États-Unis en 1929 ! Du coup, des dizaines de milliers de Lettons quittent le pays – sans doute les plus entreprenants, s’inquiète Jeffrey Sommers – tandis que des dizaines de milliers d’autres, privés de revenus, renoncent à avoir des enfants. Et ce n’est pas fini… Mark Griffiths, chef de la mission du FMI à Riga, juge inévitable une nouvelle cure d’austérité – équivalent à environ 7% du PIB- pour 2011-2012.. Ainsi, le pays exsangue répondra aux critères de Maastricht et pourra adhérer à l’euro dès 2014, assure-t-il !