L’embellie de mars n’a pas été confirmée. En avril, les dépenses des ménages français en produits manufacturés ont baissé de 1,2 % par rapport au mois précédent, selon les chiffres publiés par l’Insee, mercredi 26 mai.
C’est le fort recul des achats de voitures (- 9,5 %) qui pèse négativement sur l’évolution de ce “poste” dans lequel, outre l’automobile, on trouve le cuir-textile, ou les équipements du logements (meubles, électroménager, électronique de loisirs).
Le problème est que la consommation (au sens large) des ménages est l’un des moteurs de la croissance de l’économie en France : elle représente environ 60 % du Produit intérieur brut (PIB). Qu’elle s’essouffle et la croissance de l’économie s’en ressent. Du coup, cela rend plus qu’incertaines les prévisions du gouvernement pour l’ensemble de l’année 2010, et même au-delà : il table sur une hausse de 1,4 % du PIB cette année, puis de 2,5 % en 2011 et en 2012. Or, le gouvernement table, pour partie, sur la croissance et les recettes qu’elle procure, pour combler le déficit public.
En mars, les dépenses en produits manufacturés avaient connu une hausse de 1,6 %. Mais sur l’ensemble du premier trimestre, elles s’affichaient en baisse de 1,9 %.
Les produits manufacturés constituent un indicateur clé de l’évolution de la consommation globale des ménages français car ils en représentent environ un tiers.
La chute des achats d’automobiles pèse fortement
La baisse de la prime à la casse, au 1er janvier 2010 (de 1000 euros à 700 euros), produit son effet négatif sur les achats de véhicules. Ceux-ci ont reculé de 9,5 % en avril.
Ils avaient baissé de 16,5 % en janvier, puis de 2,9 % en février, avant de connaître un sursaut en mars (+3,3 %). Pas suffisamment toutefois pour enrayer le recul sur l’ensemble du premier trimestre : -11,2 % par rapport au dernier trimestre 2009.
“La prime à la casse a décalé l’effet de la crise. Il fallait le faire, mais l’ajustement se fait là maintenant,” souligne l’économiste Nicolas Bouzou, directeur de la société Asterès.
“La sortie de la prime à la casse risque de peser sur la dynamique de consommation des ménages jusqu’à l’été,” estime Karine Berger, responsable des études économiques chez Euler Hermes.
Le repli des achats de cuir-textile participe aussi du recul
L’Insee souligne également qu’un autre poste “accélère” le recul des dépenses en produits manufacturés des ménages français : le cuir-textile. En avril, les achats dans ce domaine ont baissé de 1,2 % par rapport au mois de mars… mois au cours duquel ils avaient été en hausse de 4,4 %.
Par ailleurs, les achats d’équipements du logement sont également en baisse : – 0,3 % en avril. “Elles avaient fortement rebondi ces derniers mois (en ligne avec les transactions immobilières) mais on les voyait mal rester aussi dynamiques à plus long terme,” relève Jean-Christophe Caffet, économiste zone euro-France chez Natixis.
Un élément clé, la faiblesse du pouvoir d’achat
Si la consommation des ménages, notamment en produits manufacturés, “n’est pas soutenue,” c’est que le pouvoir d’achat de ces ménages “n’est pas soutenu” non plus, fait remarquer Benoît Heitz, de l’Insee.
Tout d’abord parce que “les mesures de soutien qui existaient en 2009 – outre la prime à la casse, les diverses mesures fiscales et sociales, les chèques emploi service., etc – ne sont plus là et ça se sent,” appuie Nicolas Bouzou.
Le pouvoir d’achat des ménages est également affecté par “le retour de l’inflation”, comme le souligne Jean-Paul Betbèze, chef économiste et directeur des études économiques au Crédit Agricole, qui cite une augmentation des prix de “1,7 % sur un an en avril, contre + 1,3 % au premier trimestre. Avec un euro faible, la question de l’inflation importée va être plus sensible,” ajoute-t-il.
Mornes perspectives
Pour les experts économiques, il n’y a guère de chance que les chiffres relatifs à la consommation des ménages français évoluent positivement dans les mois qui viennent.
“Je m’attends à une nouvelle stagnation de la consommation des ménages au deuxième trimestre à cause de la fin des mesures de soutien du revenu disponible brut, du redémarrage de la hausse des prix, de la stagnation des salaires et de la dégradation des finances publiques,” indique ainsi Mathilde Lemoine, directrice des études économiques chez HSBC France. “De plus, ajoute-t-elle, la confiance des ménages s’est repliée en avril. Ils n’ont pas confiance dans l’évolution de leur niveau de vie futur”.
“Les informations « terrain » dont nous disposons signalent un net affaiblissement actuellement de la consommation courante des ménages (vie quotidienne), sans doute à mettre en regard de la hausse des prix des carburants,” appuie Karine Berger.
C’est d’ailleurs ce que montraient les chiffres du premier trimestre 2010 : la consommation a été atone (0%) et le PIB n’a progressé que + 0,1 % par rapport au dernier trimestre 2009.
(Merci à Boreas)