Le gouvernement mise sur la “stabilisation” de l’emploi, mais les dernières données de Pôle emploi montrent au contraire une nouvelle dégradation du marché du travail.
Le 28 mai dernier, la Dares publiait les chiffres du chômage pour avril 2010 : ils étaient en hausse par rapport au mois précédent. Christine Lagarde, ministre de l’Économie et de l’Emploi, estimait cependant que “cette hausse n’interrompt pas la tendance observée depuis plusieurs mois à la stabilisation du marché du travail.”
Quand on analyse le détail de ces chiffres, il faut (malheureusement) beaucoup d’imagination pour arriver à la même conclusion que la ministre : les données de Pôle emploi traduisent bien une nouvelle dégradation sensible du marché du travail.
En effet, le nombre d’inscrits à Pôle emploi en catégorie A (les demandeurs d’emploi qui n’ont pas travaillé du tout) a augmenté de 16 000 personnes, portant leur nombre à 2 677 000. C’est en général la seule donnée qui soit commentée par les médias ; or ce n’est que la pointe émergée de l’iceberg et pas forcément le chiffre le plus significatif pour mesurer l’évolution du marché du travail. L’ensemble des chômeurs des catégories A, B et C (y compris ceux qui ont travaillé quelques heures dans le mois) a en effet augmenté de 35 000 personnes en avril dernier.
Depuis plusieurs mois déjà, ce chiffre s’accroît significativement plus vite que celui des seuls chômeurs de catégorie A : c’est le résultat du développement des emplois précaires et de l'”autoentrepreuriat.” Ces « petits boulots » ont certes leur utilité pour maintenir les chômeurs au contact du marché du travail, il est difficile cependant d’y voir une perspective d’avenir enviable pour ceux qui y sont condamnés.
Ce n’est pas tout : l’ensemble des inscrits à Pôle emploi s’est encore accru bien davantage avec, en avril dernier, 53 000 personnes de plus (ce chiffre comprend les catégories de chômeurs évoquées précédemment mais aussi les chômeurs placés en stage et en emploi aidé). Ainsi, le nombre total des inscrits dépasse désormais la barre des 4 500 000 : ils n’ont jamais été aussi nombreux depuis que la Dares tient cette statistique, autrement dit depuis janvier 1997.
Il faut aussi remonter à septembre 2009 pour retrouver une telle hausse du nombre total des inscrits à Pôle emploi en l’espace d’un seul mois. Là aussi, on constate, au cours des derniers mois, un écart croissant entre l’évolution du nombre total d’inscrits à Pôle emploi et celui des seuls chômeurs de catégorie A, B et C. C’est le résultat d’un coup d’accélérateur bienvenu en matière d’emplois aidés. Impossible par contre d’y voir un signe de stabilisation du marché du travail : tous les éléments dont on dispose pointent au contraire une nouvelle dégradation de la situation après une accalmie au début de l’année. D’autant plus que le chômage de longue durée (plus d’un an) continue lui aussi sa croissance avec 27 000 chômeurs de plus en avril dernier, leur nombre dépassant de nouveau la barre symbolique des 1 500 000 personnes pour la première fois depuis octobre 2005.
Bref, quoiqu’en dise madame Lagarde, nous sommes probablement encore loin d’avoir touché le fond en matière de chômage…