A Bobigny, Fanta Sangaré accompagne des familles polygames dans leurs démarches, longues et ardues, de «décohabitation».
Avec ses quatre femmes et ses 46 enfants, Adama (prénom changé), Malien, était un homme heureux. Ce quinquagénaire, capable de réciter dans l’ordre les prénoms de sa descendance, régnait sur son pavillon de banlieue. Entre les cinq chambres de la maison, «la vie s’organisait comme elle pouvait», confie-t-il au téléphone. D’abord agent d’entretien, il a cessé de travailler quand le montant des allocations familiales est devenu suffisant pour nourrir son monde. La CAF verse 6.157 € pour 40 enfants, sans compter d’éventuelles aides au logement.
Fanta Sangaré, ancienne institutrice de brousse et présidente de l’Association des femmes relais de Bobigny, en Seine-Saint-Denis comprend les digressions en soninké, les confidences en bambara. Elle discute, apprivoise. Elle rappelle la règle de la République : la nécessité de rompre avec la polygamie pour obtenir un renouvellement des titres de séjour.
Ces femmes, n’ont jamais vécu seules, n’ont jamais eu d’emploi ni géré de budget. Elles ne savent pas se servir d’une carte bancaire ni remplir un chèque. C’est leur mari qui touchait les allocations familiales, payait les factures et faisait les courses. (…) Adama prend désormais le RER pour honorer les mères de ses enfants. Une décohabitation hypocrite? «Bien sûr, admet Fanta Sangaré. On nous reproche aussi de créer des familles monoparentales. Mais si ça aide les enfants à s’épanouir et les femmes à devenir autonomes, ça vaut le coup.»
Le JDD (Merci à Latine)