L’affaire Liliane Bettencourt prend un tournant politique. Jeudi 10 juin, la fille unique de l’héritière de L’Oréal a transmis aux autorités des enregistrements pirates, qui présentent sa mère sous un visage vulnérable, selon le site Mediapart.
Ces enregistrements ont été confiés à Françoise Bettencourt par l’ancien maître d’hôtel de la riche femme d’affaire, aujourd’hui âgée de 85 ans. Le Point revèle que ce dernier a été placé en garde à vue mercredi 16 juin dans l’après-midi. L’ancien maître d’hôtel avait enregistré des conversations privées entre Liliane Bettencourt et ses proches conseillers de mai 2009 à 2010. Des conversations compilées dans 28 CD-roms. Un chiffre qui laisse présager l’ampleur des révélations contenues dans les enregistrements.
D’abord, les enregistrements laissent entrevoir que l’Élysée aurait interféré dans la procédure judiciaire. Ainsi, Patrick Ouart, nommé en mai 2007 conseiller pour les affaires judiciaires de Nicolas Sarkozy aurait joué un rôle non négligeable dans l’affaire. L’État aurait des intérêts, notamment économiques, qui le poussent à protéger Mme Bettencourt. Jusqu’à jouer de son influence sur une décision de justice?
Plus intriguant encore, Médiapart publie un dialogue surréaliste dans lequel M. De Maistre fait signer des autorisations de paiement par Mme Bettencourt. De l’argent versé pour financer la campagne de Valérie Pécresse pour les régionales en Île-de-France (a priori dans les limites fixées par la loi pour le financement des campagnes électorales, c’est-à-dire 7.500 euros). Et sa générosité serait également allée à Eric Woerth et au président Nicolas Sarkozy en personne.
Le maître d’hôtel explique qu’il a agi dans la crainte d’un licenciement. Une partie des domestiques de Liliane Bettencourt avait en effet été remerciée, pour avoir soutenu la fille unique de l’héritière dans sa volonté de placer sa mère sous tutelle.
Mediapart a eu accès à ces enregistrements et en publie des extraits. Des extraits qui pourraient modifier l’issue du procès de François-Marie Barnier pour abus de faiblesse sur Liliane Bettencourt qui doit se tenir du 1er au 6 juillet au tribunal de Nanterre. Le site d’information insiste sur l’aspect théâtral de l’affaire. Et déroule les révélations comme dans une pièce en quatre actes:
Me Gillot, son avocat, affirme que son client a agi seul, sans pression extérieure:
Mon client n’a agi sur l’ordre de personne; il n’est pas en service commandé et n’a touché d’argent de personne pour ces enregistrements. Il n’ignore pas que ce qu’il a fait est juridiquement contestable. Est-ce moralement discutable? Il a considéré que le contenu des conversations qu’il a surprises devait être porté à la connaissance de Françoise Bettencourt, car la manipulation dont sa mère est la victime consiste notamment à la monter contre elle. Le contenu des enregistrements montrera qu’il a bien fait, et qu’il n’a aucune leçon à recevoir de ceux qui abusent depuis des années de l’évidente faiblesse de Liliane Bettencourt.
D’abord, les enregistrements laissent entrevoir que l’Élysée aurait interféré dans la procédure judiciaire. Ainsi, Patrick Ouart, nommé en mai 2007 conseiller pour les affaires judiciaires de Nicolas Sarkozy aurait joué un rôle non négligeable dans l’affaire. L’État aurait des intérêts, notamment économiques, qui le poussent à protéger Mme Bettencourt. Jusqu’à jouer de son influence sur une décision de justice?
Mediapart cite les propos de Patrice de Maistre, gestionnaire de la fortune de Madame Bettencourt à propos de Patrick Ouart:
Le conseiller juridique, à l’Élysée, que je vois régulièrement pour vous. […] Il m’a dit que le procureur Courroye allait annoncer le 3 septembre, normalement, que la demande de votre fille était irrecevable. Donc classer l’affaire. Mais il ne faut le dire à personne, cette fois-ci. Il faut laisser les avocats travailler. Voilà. Il vaut mieux que j’entende cela qu’autre chose. Donc je suis de bonne humeur.
L’acte II se concentre sur les relations entre Eric et Florence Woerth. L’épouse du ministre du Budget a en effet été en charge de la fortune de Mme Bettencourt sous les sordre de Patrice de Maistre:
Voici un des extraits d’une confidence de Patrice de Maistre à la milliardaire publiée par Médiapart:
Je me suis trompé quand je l’ai engagée. (…) J’avoue que quand je l’ai fait, son mari était ministre des Finances (du budget, NDLR), il m’a demandé de le faire. (…) Et donc si vous voulez, aujourd’hui, sans faire de bruit, je pense qu’il faut que j’aille voir son mari et que je lui dise que avec le procès et avec Nestlé, il faut qu’on soit trop manœuvrants et on peut plus avoir sa femme. Et puis on lui, on lui, on lui donnera de l’argent et puis voilà. Parce que c’est trop dangereux.
Plus intriguant encore, Médiapart publie un dialogue surréaliste dans lequel M. De Maistre fait signer des autorisations de paiement par Mme Bettencourt. De l’argent versé pour financer la campagne de Valérie Pécresse pour les régionales en Ile-de-France (a priori dans les limites fixées par la loi pour le financement des campagnes électorales, c’est-à-dire 7.500 euros). Et sa générosité serait également allée à Eric Woerth et au président Nicolas Sarkozy en personne.
L’acte III fait état d’opérations financières illégales. Pour échapper au fisc, la milliardaire aurait dissimulé de l’argent dans des comptes secrets en Suisse. Médiapart publie d’ailleurs une autre discussion datant du 27 octobre 2009 entre Patrice de Maistre et l’héritière de L’Oréal:
Je voulais vous dire que je pars en Suisse tout à l’heure pour essayer d’arranger les choses. Et vous allez voir Me Goguel aujourd’hui ou demain. Et il faut qu’on arrange les choses avec vos comptes en Suisse. Il ne faut pas que l’on se fasse prendre avant Noël.
Dans l’acte IV, il est question de la succession de Mme Bettencourt. Selon Mediapart, les enregistrements révèlent la fragilité de l’intéressée. Quant au photographe François-Marie Barnier, il ne semble pas être en odeur de sainteté auprès de M. de Maistre. En témoigne cet échange publié dans l’article:
– PdM : «Et il a un grain. (…) Vous savez cette histoire avec votre fille, il ne veut jamais s’arrêter. Je lui ai dit que si on gagne le procès, il faut tourner la page. Lui, il ne peut pas tourner la page. Vous, ce n’est pas pareil, c’est votre fille. Mais lui, il faut qu’il tourne la page.»
– Liliane : «Je crois qu’il a besoin de mordre.»
Mais ces enregistrements ont-ils seulement une valeur légale? Le blog Actualités du droit s’interroge sur l’usage que peut en faire la justice. Comme le reconnaît l’avocat du maître d’hôtel, l’enregistrement est illégal. Il n’empêche: la justice pourrait s’en servir. Le juge est en droit d’utiliser des moyens de preuves même si elles ont été obtenues de manière illicite ou illégale. Mais le billet de blog précise qu’il doit auparavant «en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire. Il en est ainsi du testing ou des enregistrements».
[Lire l’enquête sur Mediapart, l’article sur le Point et sur le blog de 20minutes](Merci à Sunofthesleepless et à SPOILER)