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Tribune libre de Paysan Savoyard

Selon les immigrationnistes, la France n’aurait pas le droit moral d’interrompre l’immigration, et encore moins de renvoyer des immigrés, « parce que c’est nous qui les avons fait venir pour travailler dans nos usines ». Cet argument nous paraît sans valeur.

L’immigration de travail a certes été voulue et organisée par les responsables français

Il est exact que l’immigration de travail constitue avant tout une responsabilité des dirigeants français. Tout au long des années 60, avec l’accord des pouvoirs publics, les grandes entreprises françaises ont fait venir en nombre des immigrés, généralement d’Afrique du nord, pour travailler en France, notamment sur les chaînes de construction automobile.

Durant la période de forte croissance des « trente glorieuses », les entreprises étaient en effet confrontées à une situation de pénurie de main d’œuvre. Plutôt que de réaliser des investissements techniques (dits « de productivité ») permettant de réduire le nombre de postes de travail nécessaires, les entreprises ont préféré choisir la solution moins coûteuse consistant à importer de la main-d’œuvre immigrée (Ces investissements de productivité dans l’industrie ont été réalisés par la suite, au cours des années 80, la concurrence des pays à bas salaires ayant rendu la main-d’œuvre, même immigrée, encore trop onéreuse).

Le recrutement massif d’immigrés avait pour les entreprises l’autre avantage d’exercer une pression à la baisse sur les salaires et les conditions d’emploi des travailleurs français. L’absence de chômage et la forte création d’emplois, conséquences de la croissance économique élevée, plaçaient en effet les salariés français en position de force par rapport aux employeurs pour exiger une amélioration des conditions d’emploi et des salaires. Il se trouve que les immigrés sont très généralement prêts a accepter des conditions d’emploi et de travail dégradées par rapport aux standards européens, puisqu’elles resteront toujours bien meilleures que celles qui peuvent leur être offertes dans leur pays d’origine. Dès lors l’emploi d’immigrés a permis aux employeurs d’atténuer la situation de pénurie de main d’œuvre, d’annuler par là-même la position favorable dont bénéficiaient les salariés français et de limiter les hausses de salaires (cet effet de
« dumping social importé » continue à jouer de façon encore renforcée, l’immigration de travail se poursuivant sous d’autres formes dans un contexte de fort chômage).

Le contrat passé avec les immigrés portait sur le travail : il ne leur donnait pas le droit de rester définitivement en France

En rappelant que l’immigration de travail des années de forte croissance a été voulue et organisée par la France, les immigrationnistes cherchent à disqualifier toute politique qui viserait à interrompre l’immigration en laissant entendre qu’elle constituerait une violation de contrat et une grave faute morale. Cette façon de présenter les choses est fallacieuse :

Le fait d’y avoir travaillé pendant plusieurs années ne donne pas ipso facto aux immigrés concernés le droit de se maintenir en France lorsqu’il n’y a plus de travail ; ni le droit d’y rester à la retraite ; ni non plus le droit d’obtenir une naturalisation. Le contrat qui a été passé avec eux portait en effet sur le travail, non sur l’installation définitive. D’ailleurs, pendant les années 60, l’immigration était considérée comme temporaire (c’est bien comme cela que l’entendait par exemple le roi du Maroc).

De même l’invitation qui a été faite aux immigrés de venir travailler en France s’adressait aux travailleurs eux-mêmes. Les familles en revanche n’étaient pas concernées. C’est ainsi que les immigrés des années 60 sont le plus souvent venus seuls et choisissaient de résider en foyer pour limiter leurs frais et pouvoir envoyer au pays une part importante de leur salaire. Dans les années 70, les responsables français (politiciens et juristes) ont institué de leur propre initiative un droit au regroupement familial, ouvrant la porte à l’immigration de peuplement. Il n’en reste pas moins que le droit de faire venir les familles ne constituait pas un élément du contrat passé initialement avec les immigrés.

Plusieurs remarques complémentaires nous paraissent utiles. Insistons tout d’abord sur le fait que les immigrés n’ont pas été contraints de venir. La venue en France pour travailler leur a été proposée. La perspective de recevoir un salaire en Francs était perçue comme attractive et elle a séduit beaucoup d’Africains. Mais personne ne les a obligés.

Seconde observation. Il nous semble que ces immigrés n’ont pas de récrimination légitime à faire valoir : le salaire qui leur avait été promis leur a été versé ; et ils ont bénéficié du même traitement (salaire, sécurité sociale…) que les ouvriers français faisant le même travail qu’eux, traitement nettement plus favorable que celui qu’ils auraient pu connaître en restant dans leur pays.

Troisième remarque : les immigrés ont généralement choisi de transférer une partie importante de leurs salaires dans les pays d’origine, au bénéfice des familles restées sur place (le phénomène est d’ailleurs toujours en vigueur). Ces salaires transférés n’ont donc pas alimenté l’économie française et ont réduit d’autant, pour les Français, les bénéfices tirés de l’immigration.


Le fait d’avoir organisé à un moment donné une immigration de travail ne nous interdit pas d’arrêter aujourd’hui l’immigration et de renvoyer clandestins et délinquants

L’argumentaire des immigrationnistes est de mauvaise foi à un autre titre. En l’utilisant, pour provoquer le trouble dans l’esprit de leurs contradicteurs, les immigrationnistes introduisent délibérément une confusion. La question en effet n’est pas de savoir s’il faut reconduire chez eux les gens qui vivent depuis des décennies en France après être venus y travailler dans les années 60. Dès lors que ces personnes, devenues Françaises ou non, souhaitent rester en France et dès lors qu’elles s’y comportent normalement, nul ne propose de les renvoyer.

Le débat concernant l’immigration, tel du moins qu’il est posé par le parti « national », porte sur trois points : l’arrêt de l’immigration légale et clandestine ; le renvoi des clandestins ; et le renvoi des délinquants, étrangers et naturalisés. Si elles étaient rapidement appliquées, ces trois mesures seraient sans-doute suffisantes pour nous permettre de rester durablement majoritaires et maîtres dans notre pays.

Il s’agit aujourd’hui de cela et pas d’autre chose. La thématique de l’immigration de travail des années 60 n’a donc pas à interférer dans le débat actuel sur une immigration qui présente désormais des caractéristiques bien différentes.

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