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À contre-pied de son habituel discours libéral, Alain Minc se livre à une analyse assez hétérodoxe des solutions à la crise. Comment et pourquoi l’inflation pourrait être le remède à l’endettement abyssal de l’État et des particuliers ?

Après son célèbre article «Le jour où les jeunes mâles blancs se révolteront», que raconte Alain Minc en ce moment ? Que « 90% des Français sont hors crise » (Europe 1). Qu’« Apple est un bienfaiteur de l’humanité » (Usine Nouvelle). Et qu’il ignore si la crise lui fait perdre du chiffre d’affaires : « À mon niveau de privilèges, je ne sais même pas. Peut-être bien que je gagne un peu moins » (VSD). Mais arrêtons-nous à cette la perle livrée lors du forum Libération: « La dette, à ce niveau, ne s’éponge plus que de deux manières, par la guerre ou par l’inflation. »

Traditionnellement, la vulgate libérale ne voit que deux moyens de résorber les colossaux déficits publics engendrés par la crise actuelle : la croissance (avec ses rentrées fiscales plus importantes), et l’augmentation d’impôts. D’où l’accusation de faire payer aux générations futures les errements de la gestion actuelle. Minc rajoute deux autres moyens: la solution guerrière ou l’inflation.

Quand Bolloré empoche plus d’1,5 milliard d’euros de plus-value en achetant et revendant des titres du fabricant de tubes sans soudure Vallourec, Minc encaisse 15 millions d’euros. Cela laisse le temps de travailler son prochain essai sur le monde qui vient…

On ne parle évidemment pas de l’hyper-inflation, des brouettes de billets des années 20, de la République de Weimar en Allemagne où les prix doublaient toutes les 49 heures. Non, on envisage ici une inflation soutenue mais maîtrisée, de 3 à 4%, bien au-delà de l’obsession maladive de la BCE de la maintenir à moins de la moitié. Et là, les résultats sont étonnants : la Société Générale a calculé que 4 % d’inflation annuelle sur quinze ans feraient refluer, sur la période, les dettes publique et privée françaises de 75 points de produit intérieur brut. Le tout sans un centime d’impôt supplémentaire.

Pourquoi ? Parce que la hausse des prix accroît les revenus des entreprises et de l’État – et des ménages quand les salaires sont indexés -, alors que la charge de la dette reste constante. L’autre avantage, c’est que l’inflation favorise le travail (si les salaires sont indexés sur l’inflation) au capital (qui est peu à peu rogné par la hausse des prix).
L’inflation, c’est donc avant tout une taxe. Un impôt qui frappe l’argent qui dort, les rentiers, et les créanciers. Or qui sont les créanciers de l’État ? Les banques. Ces mêmes banques qui ne doivent leur survie, ou au moins leur retour actuel aux bénéfices, qu’à l’intervention de la puissance publique. Ces mêmes banques type BNP Paribas qui, lorsqu’elles « remboursent » l’État de son aide, le font au cours de bourse du 31 mars, date de leur entrée au capital, alors que ledit cours a pris 113%. Manque à gagner pour l’État, calculé par Libé : 12 milliards d’euros, dont la moitié due à la seule BNP Paribas.

On ne va donc pas verser la larmichette sur le sort des créanciers. Ni sur celui des rentiers et des boursicoteurs, dont l’inflation ronge les plus-values. L’histoire a déjà montré qu’un tel traitement était possible. L’inénarrable Jacques Marseille qui, quand il parle de ce qu’il sait, ne raconte pas que des billevesées, évoque deux épisodes : la mort de Louis XIV, suivie d’une période d’inflation qui dégonfla la dette de l’État et dont les bénéfices ont irrigué la croissance du XVIIIe siècle. Et les années 20, lors desquelles un créancier qui aurait détenu 100 francs d’obligations d’État en 1913 aurait vu sa créance en monnaie réelle s’effondrer à 23 francs en 1925.

Regardons les exemples étrangers. Petit rappel du Monde : en 1946, la dette des États-Unis atteignait 108,6 % de son produit intérieur brut (PIB). En 1960, ce ratio était tombé à 45,7 %, en raison de la croissance du PIB – elle avait retiré 33,4 points au ratio d’endettement – et de l’inflation – qui en avait enlevé 29,3 points. Pareil au Royaume-Uni, où le ratio dette sur PIB a été ramené de 248,5 % en 1946 à 118,1 % en 1960, en particulier grâce aux effets conjugués de l’inflation (- 106,7 points) et de la croissance (- 46,6 points).

Pas de quoi s’enflammer, ceci dit. D’abord parce qu’une telle cure d’inflation nécessiterait de revoir les statuts de la Banque centrale européenne dans un sens moins anti-inflationniste, à l’unanimité des pays membres : c’est une bonne occasion de le faire enfin, mais il va falloir tirer Angela Merkel par les oreilles, ou faire sortir l’Allemagne de l’Eurozone… Ensuite parce qu’il y a une condition essentielle aux bienfaits de l’inflation : que les salaires soient indexés sur celle-ci, sous peine d’une perte de pouvoir d’achat. Il n’y a plus d’indexation en France depuis les années 80, excepté pour le Smic.

Marianne2

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