I) Résumé de l’intrigue:
Don Giovanni (= Don Juan en Français) est un jeune noble qui au grand désespoir de son père passe son temps à jouir de la vie, que ce soit le vin, la bonne chère ou les femmes. Très grand séducteur, fin manipulateur, aidé malgré lui par son pauvre valet Leporello qui doit subir les frasques de son maître, Don Juan attire les femmes dans son lit en leur promettant le mariage avant de les délaisser complètement le lendemain.
Il tue en duel le père de l’une de ses conquêtes. Après beaucoup de péripéties, il se retrouve pourchassé par les maris, les fiancés, les frères de celles qu’il a séduite et se réfugie dans un cimetière avec son valet pour se cacher des poursuivants. Il se trouve face à la statue de la tombe du père qu’il a tué et par bravade se moque de sa fille. La statue du père s’anime et lui demande de se repentir et de cesser de faire le mal sous peine de finir aux enfers. Don Juan, par bravade, invite la Statue à dîner chez lui.
la Statue vient à son dîner et lui demande une nouvelle fois de se repentir. Don Juan refuse toujours. La Statue du père lui propose alors de venir dîner chez lui, Don Juan bien que terrorisé accepte, lui tend la main. Il meurt foudroyé et disparait dans les flammes de l’Enfer.
II/ la Scène que vous allez voir :
Il s’agit de la première scène de l’acte 1. Elle se situe donc au tout début de l’opéra, juste après l’ouverture. Cette ouverture mériterait une analyse à elle seule, mais la place étant compté, j’ai du passer outre. Peut être la présenterais-je une autre fois. Dans cette première scène, l’action se passe de nuit, sous l’orage, dans une grande ville italienne de la Renaissance (Venise semble t’il). Leporello (c’est la première personne que vous voyez à l’écran) est le valet de Don Juan et se plaint de sa condition de valet :
«Nuit et jour se fatiguer,
pour un maître jamais content,
supporter la pluie le vent,
mal manger et mal dormir…
Je veux faire le gentilhomme
Et ne plus jamais servir, je ne veux plus le servir,
Non non non non non,
Je ne veux plus le servir !
Regardez moi ce galant homme,
Bien au chaud avec sa belle
Moi je fais la sentinelle, la sentinelle, la sentinelle… »
Leporello est interrompu dans sa plainte par Don Juan s’enfuyant brutalement de la chambre de la femme qu’il vient de séduire et à qui il vient d’annoncer qu’après avoir passé la nuit avec elle, il n’avait pas l’intention de la revoir. Celle-ci le poursuit et appelle à l’aide pour l’arrêter, Don Juan lui répond qu’elle crie en vain car elle ne saura jamais qui il est, pendant que Leporello continue de se lamenter en disant que servir un maître tel que Don Juan lui coûtera cher tôt ou tard!
Soudain, attiré par les cris, apparaît le père de la jeune fille et demande à Don Juan de se battre s’il n’est pas un lâche. Don Juan tue le père de la jeune fille en duel. (Dans l’opéra, ce père tué est celui qui reviendra sur terre sous forme de statue fantômatique pour ordonner à Don Juan de cesser sa vie de débauche et de malheur. Don Juan refusera et sera emporté en enfer).
La toute dernière séquence de cette scène montre Leporello tentant de s’opposer vainement à Don Juan avec un certain humour grinçant:
“Leporello, où es tu?
– Ici malheureusement… qui est mort? vous ou le vieil homme?
– Le vieux, crétin!!
– Bel exploit Maître… Forcer la jeune fille, tuer son vieux père…
– Il l’avait cherché!
– La jeune fille l’avait cherché aussi?
– Tais toi donc à la fin!! … ça t’intéresse tant que ça?
– Ho moi, je ne demande rien d’autre et je ne dis plus rien…”
III/ Qu’est ce qu’un récitatif ? :
A la toute fin de l’extrait présenté, vous entendez les personnes cesser de chanter et “parler sur la musique”. C’est ce qu’on appelle un “récitatif”. Très courant dans l’opéra du XVIIIème, il s’agit d’un passage dans lequel les chanteurs deviennent plus acteurs que chanteurs et parlent en rythme. La musique est quasimment minimaliste (parfois même, un seul instrument est utilisé. Il s’agit dans le cas présent d’un clavecin.)
Cela était souvent utilisé comme “moyen de transition” entre deux scènes. L’intérêt était de résumer brièvement la scène précédente en quelques mots (l’ambiance générale dans les salles de théâtres de l’époque étant parfois assez “bordélique” il était nécessaire d’aider le public à suivre) et de “reposer” les oreilles des auditeurs entre deux airs importants. On en profitait aussi pour effectuer les changements de décors par exemple.
IV/ Conseils d’écoute:
Ne soyez pas inquiets au début si l’image vous parait sombre. C’est la nuit dans le film, l”image s’éclaircit peu à peu. Bien sûr je vous conseille d’écouter dans de bonnes conditions sonores. Regardez l’ambiance “de film” autour: la pluie qui tombe, les chevaux que l’on entend dans la rue sur les pavés, le bruit des épées qui s’entrechoquent… Ce n’est pas qu’un opéra filmé, c’est un véritable film en soi!
Enormément de chose à dire dans cet air, (et dans tout l’opéra à vrai dire, quasimment une scène sur deux est aujourd’hui considéré comme un chef d’oeuvre). Gardons en deux en tête qui me paraissent les plus importantes.
Prêtez attention au mélange tragique et comique (on y reviendra la semaine prochaine…), comment dans la même scène on passe du comique de Leporello (monologue du début, récitatif avec Don Juan à la fin) au tragique de Don Juan (ses actes envers la jeune fille, le duel avec son père etc…).Ce mélange n’est pas anodin, mais on y reviendra aussi la semaine prochaine, ce n’est pas neutre d’un point de vue de l’histoire de la Musique.
Prêtez enfin attention à l’air chanté par Don Juan et le Père de la jeune fille juste après que ce dernier ait été mortellement blessé par Don Juan. Outre l’intérêt purement musical (c’est très beau…) le texte a quelque chose de vaguement inquiétant: Don Juan annonce qu’il voit de sa victime quitter son corps. Regardez la façon dont le père à terre désigne “agressivement” Don Juan du doigt. La menace est claire, il reviendra se venger….
Nous verrons sa vengeance la semaine prochaine, dans une très impressionante scène finale! Bon Dimanche à vous, et bon Dimanche à tous les Desouche!
V/ Pour aller plus loin…
Si l’extrait ou l’ambiance “Cape et épée film d’époque” vous ont plus, je vous conseille de regarder aussi l’ouverture de l’opéra en elle même. Regardez la façon dont Don Juan est placé “comme par hasard” au dessus des flammes de son atelier… D’un point de vue musical, remarquez la façon dont “oscille l’introduction”. Elle est assez rapide, presque légère, “bravache” même, mais il y a dans les notes choisies quelques choses de menaçant qui annonce déjà la fin de ce personnage.
A titre personnel, je la trouve remarquable. L’extrait filmé est également à mes yeux de toutes premières forces. C’est ici: