Confrontés à une chute de la demande de produits pétroliers, les raffineurs européens veulent réduire rapidement leurs capacités de production. Ils tentent de céder des sites à des raffineurs russes, indiens ou arabes.
Grande braderie dans le raffinage européen. Shell, Total, ENI ou Petroplus se bousculent en ce moment au portillon pour céder des sites sur le Vieux Continent. Un mouvement qui pourrait faire entrer dans ce marché des industriels venus d’Inde, de Russie, de Chine ou d’autres pays émergents. Avec la baisse de la demande de produits pétroliers et l’avènement de nouveaux sites au Moyen-Orient, les raffineurs européens cherchent à réduire rapidement leurs capacités de production. « Il y a très peu de sites de raffinage qui ne soient pas en vente si les acquéreurs veulent mettre un prix suffisant », explique l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Premier raffineur européen avec onze sites en Europe de l’Ouest, Total évalue les surcapacités mondiales à environ 9 millions de barils par jour, soit 10 % de la capacité installée. Selon le cabinet américain Purvin & Gertz, une capacité de production d’au moins 1 million de barils par jour doit être supprimée dans le bassin Atlantique, soit l’équivalent de 6 ou 7 raffineries européennes de taille moyenne.
Seul souci, fermer un site coûte très cher, notamment pour dépolluer les sols, ce qui incite plutôt les industriels à les vendre.
« Préparer les esprits »
De fait, Shell a annoncé la mise en vente de trois raffineries en Europe, deux en Allemagne (Heide et Harburg) et une en Grande-Bretagne (Stanlow). ENI entend quant à lui céder ses installations de Livourne, et le chimiste Ineos sa raffinerie de Grangemouth en Ecosse. Petroplus a mis en vente les sites d’Anvers (Belgique) et de Teesside (Grande-Bretagne). Voilà quelques semaines, Total a également reconnu la possibilité de cessions. Mais sans donner de noms de sites. En France, le groupe pétrolier avance à pas comptés sur ce terrain mouvant. « Le rôle de son directeur Christophe de Margerie est de préparer les esprits à une vente », explique un professionnel.
Qui pourraient être les acheteurs ? Les banques courtisent les acteurs indiens, russes, chinois, ainsi que les sociétés du Proche-Orient. Le groupe indien Essar est en négociations avancées avec Shell. ENI discute avec Klesch, un fonds britannique spécialisé dans les matières premières et l’énergie. Le chinois Petrochina et le libyen Tamoil sont aussi des repreneurs potentiels. Tamoil possède des installations en Suisse, en Allemagne et en Italie dans le raffinage.
Des groupes russes comme Loukoil, Gazpromneft ou Rosneft font également figure de possibles acquéreurs. « Nous pourrions faire un deal gagnant-gagnant avec eux », a souligné Christophe de Margerie fin septembre. « C’est une excellente proposition. J’espère que certaines de nos compagnies vont en profiter », a répliqué quelques jours plus tard le Premier ministre russe, Vladimir Poutine.
Rapprochement en France
De fait, le marché européen constitue un débouché naturel pour les pétroliers russes. Il est stratégique pour eux d’y accroître leurs capacités de raffinage. En juin, Loukoil a ainsi pris une participation de 45 % dans la raffinerie de Total de Flessingue, aux Pays-Bas.
En France, les experts estiment également qu’un rapprochement aurait du sens dans le sud de la France, près de l’étang de Berre (Bouche-du-Rhône). Quatre acteurs, Total, Ineos, Lyondellbasell et Esso, y disposent d’installations dédiées à une même zone économique. Cette idée, qui court depuis des mois dans la profession, s’avère néanmoins difficile à mettre en oeuvre. Fin septembre, Total a fait un appel du pied. « Quand vous arrêtez la production d’un site, vous aidez le marché, mais pas votre groupe”,a martelé Christophe de Margerie. “Nous disons à tous les raffineurs qu’il faut que nous fassions quelque chose tous ensemble : Total ne fera pas le travail tout seul pour le bénéfice de la communauté. »
Dans le sud de la France, le temps presse. Début 2010, l’allemand Oiltanking va débuter la mise en service d’un nouveau dépôt pétrolier à Fos. A terme, ce site disposera d’une capacité totale de 800.000 mètres cubes. De quoi peser un peu plus sur les marges des raffineries de la région.