La crise économique pourrait bien freiner la natalité en France, pourtant l’une des meilleures d’Europe, en raison de la hausse du chômage des jeunes et de la baisse du moral des ménages, mais le phénomène devrait être provisoire, selon un ouvrage publié par l’Insee.
“La forte hausse du chômage, la baisse des revenus, l’incertitude croissante sur l’avenir modifieront vraisemblablement les comportements reproductifs des ménages, d’autant que les jeunes sont les premiers touchés,” écrit la démographe Ariane Pailhé, dans le “Portrait social“ de la France publié vendredi.
Pascale Breuil, chef des études démographiques et sociales de l’Insee, dresse un constat similaire et donne “rendez-vous au bilan démographique début 2011“, pour mesurer précisément les effets de la crise en raison du “décalage de un ou deux ans” entre la situation économique et les naissances.
En 2008, 801.000 enfants sont nés en France métropolitaine, un chiffre jamais atteint depuis près de trente ans, selon l’Insee, tandis que le taux de fécondité à dépassé deux enfants par femme, plaçant les Françaises en tête des Européennes.
Dans son chapitre intitulé “La crise économique actuelle affectera-t-elle le nombre de naissances?” Mme Pailhé, de l’Institut national des études démographiques, s’est notamment fondée sur les effets des “crises passées,” notant un “parallélisme entre déclin du PIB et baisse de la fécondité.”
Ainsi, en France, “la Grande Dépression des années 1930 avait raréfié les naissances tout comme le choc pétrolier de 1973” et “le taux de fécondité est tombé à son plus bas niveau de l’après-guerre (1,66) au moment de la récession économique de 1993.”
Ce parallélisme s’est vu aussi en Suède ou aux États-Unis.
Mais outre le PIB, la confiance des ménages est aussi un indicateur précieux sur le comportement des couples, de même qu’un “niveau élevé et persistant du chômage des jeunes, le développement des formes d’emploi précaires”, qui contribuent à un report des naissances, note Ariane Pailhé.
En France, “le record historique de déprime de l’indicateur du moral des ménages, qui reste très bas depuis l’été 2008, et la montée rapide du chômage, laissent donc penser que le niveau des naissances sera vraisemblablement touché à court terme.“
Mais “au-delà de cet effet de report, le mouvement structurel d’augmentation de la fécondité ne devrait pas être remis en question par la crise économique.“
Parmi les éléments d’explication à un ralentissement des naissances, Mme Pailhé note que la crise peut inciter à faire de plus longues études et donc reporter le fait d’avoir des enfants.
De plus, “une crise sociale peut indirectement jouer sur les naissances par le dérèglement du marché des unions” en raison de la moindre “attractivité” des hommes à faible revenu ou à situation professionnelle instable.
Toutefois, certains éléments peuvent au contraire pousser à faire des enfants, note Mme Breuil, citant des femmes qui vont perdre leur emploi et se refermer sur leur bulle familiale en se disant “puisque je suis sans emploi, autant faire un enfant.”
Enfin, certains “amortisseurs” liés aux politiques publiques peuvent aider quand même la natalité (allocations chômage, prestations familiales…).