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Bonjour à tous!Le Compositeur

Voici le 5ème article de notre Dimanche Ecole Musique estival (cette rubrique a   également existé de fin octobre 2009 à début décembre, pour ceux qui en  demandent plus!). Après avoir vu l’Allelujah de Haendel, la Tocatta et Fugue en   Ré mineur de Jean Sébastien Bach, et deux extraits de Don Juan de Mozart, je me suis dit qu’un peu de bonne humeur supplémentaire ne nous ferait pas de   mal! Par ce beau soleil de juillet, je vous présente donc aujourd’hui l’ouverture d’Orphée aux Enfers, de Jacques Offenbach.


I/ Jacques Offenbach, musicien du Second Empire:

Jacques (Jacob) Offenbach est un musicien  Français d’origine allemande. Son père est issu de la ville d’Offenbach am Main, ville proche de la frontière française et incorporée dans l’Empire Français de Napoléon. Il est né à Cologne le 20 Juin 1819 et mort à Paris le 5 Octobre 1880. Son éducation musicale se fait à Paris, où il entre par dérogation au Conservatoire à l’âge de 14 ans. Indiscipliné, il en partira au bout d’un an pour rejoindre l’orchestre de l’Opéra Comique. Il sera ensuite directeur musicale de la Comédie française avant de monter son propre théâtre sur les Champs-Elysées, “les Bouffes-Parisiens”.

D’un point de vue musical, c’est une sorte de Rossini français. Après 40 ans d’activité et une centaine d’oeuvres, ses pièces les les plus célèbres sont Orphée aux Enfers, les Contes d’Hoffmann, la Grande Duchesse de Gérolstein, la Belle Hélène et la Vie Parisienne. Deux thèmes principaux sont présents chez Offenbach: soit il reprend les mythes classiques (Orphée aux Enfers, la Belle Hélène par exemple) en les détournant de façon humoristique, soit il utilise de façon satyrique des scènes “bourgeoises”  de la vie du XIXème (la Vie Parisienne par exemple) pour créer un opéra divertissant et léger, mais jamais lourd ou abêtissant.

II/ Présentation de l’époque d’Offenbach:

C’est la période du Second Empire Napoléonien. Napoléon III le gouverne depuis 1852 et règnera jusque 1870. Conscient du retard économique et industriel de la France sur l’Angleterre, il lance une énorme politique d’industrialisation: 1000 km de chemins de fer sont posés chaque année, des barrages sont créés pour produire de l’électricité, Paris est complètement transformée, et devient une capitale moderne, aux larges avenues, aux rues assainies et où l’insalubrité disparait. Les “grands immeubles parisiens” comme l’on dit aujourd’hui datent de cette époque. Les rues sont dotées d’un éclairage nocturne à l’électricité, les grands parcs publics (ils sont encore présents aujourd’hui) sont créés pour que Paris puisse égaler Londres. Paris devient la capitale culturelle de l’Europe et les grands peintres et écrivains de l’époque s’y retrouvent.

En 15 ans, la France fait un bond en avant spectaculaire, il y a une atmosphère de renouveau, d’optimisme, de magie, de féérie même,  dans l’air. Tout semble possible grâce à la technique. Dans les salons, au Palais Impérial et à l’opéra se croisent noblesse d’Empire, noblesse d’Europe, grands industriels et jeunes filles à marier. C’est cette atmosphère de fête, d’optimisme étincelant qu’il faut garder à l’esprit quand on écoute Offenbach.

III/ Présentation de l’oeuvre:

Il s’agit d’une reprise du mythe grec classique. Dans celui-ci, Orphée est le fils du Roi de Thrace et de la Muse de la Musque. Orphée est un excellent musicien, capable de charmer n’importe qui quand il joue de la lyre. Il épouse Eurydice, mais celle-ci meurt pendant les noces, piquée par un serpent. Orphée descend aux Enfers et triomphe des obstacles grâce à son don divin pour la musique. Après l’avoir écouté, le Dieu des Enfers, Hadès (Neptune chez les Romains, ceux-ci ont repris les Dieux grecs en changeant les noms) accepte de lui rendre Eurydice à une seule condition: il devra quitter les Enfers sans se retourner et son épouse le suivra. S’il se retourne, son épouse retournera à jamais dans le Royaume des Morts. Orphée accepte et quitte les Enfers. Il en sort, mais veut vérifier si Eurydice le suit bien et se retourne pour accueillir son épouse dans le monde des vivants. Malheureusement, si Orphée est sorti, Eurydice n’a pas encore franchi la porte et retourne aux Enfers. Inconsolable, Orphée meurt. Les neufs Muses (divinités mineures protectrices des arts) dont sa mère (la Muse de la Musique) le recueillent et l’enterrent au pied de la montagne sacrée de l’Olympe, au sommet de laquelle vivent les Dieux.

Dans la version d’Offenbach, le mythe est détourné. Orphée et Eurydice sont bien mariés mais… se détestent! Orphée trompe Eurydice et réciproquement, Eurydice l’agace avec ses jérémiades d’épouse qui s’ennuie pendant qu’Orphée lui casse les oreilles avec son violon (la lyre antique est remplacée par le violon dans cette version, question d’époque…) Ils voudraient divorcer mais Orphée étant célèbre, l’opinion publique l’en empêche. Orphée pose des pièges à loup pour se débarrasser de l’amant de sa femme, alors que celle ci essaye de se faire piquer par le serpent pour aller faire la fête aux Enfers. Le grand Jupiter lui même (père et roi des Dieux) connait les mêmes difficultés. Sa femme lui fait scène de ménage sur scène de ménage à cause de ses multiples conquêtes, ses filles veulent aller s’amuser sur Terre au lieu de rester cloîtré sur l’Olympe. Je ne raconte pas tout, mais ça vous donne une idée de l’ambiance. Pour faire simple, s’il y avait de la vaisselle sur scène, elle volerait bas!

Ce détournement du mythe antique a engendré pas mal de protestations, que ce soit de la part des classiques ou des bourgeois eux-mêmes. En fait, les problèmes présentés dans la pièce sont ceux de la bourgeoisie de l’époque: comment écarter une femme épousée pour son argent mais qui nous empoisonne la vie par ses reproches permanents? Comment se débarrasser d’un époux vieux, bedonnant et qui tous les soirs va gaspiller l’argent du foyer et chasser la petite danseuse de l’opéra tout en nous empêchant de faire de même? Il n’est donc guère surprenant que certains se soient sentis visés! 😀

IV/ L’extrait que vous allez entendre:

Il s’agit de l’ouverture de l’opéra en lui-même.  Une ouverture (parfois appelé Prélude) est un morceau “introductif”, d’une longueur variable (l’ouverture de Nabucco de Verdi est assez courte, 2 minutes, à l’inverse, celle de Tannhaüser de Wagner est plus proche de la quinzaine de minutes.) Elle permet à l’auditeur d’avoir un “avant goût” de ce qu’il va écouter, de préparer son oreille, de se familiariser avec le style du compositeur afin de mieux apprécier la suite.  D’un point de vue “pratique”, ça permet aux musiciens de s’échauffer un peu et aux retardataires d’arriver sans trop gêner les spectateurs pendant que les femmes comparent leurs vêtements, se racontent les petits potins du moment que les hommes fument un dernier cigare tout en parlant affaires!

Les ouvertures d’Offenbach reprennent généralement les thèmes principaux qui vont être chantés pendant la pièce. Différents styles sont alternés dans cet extrait: des airs lents, romantiques, mélodieux pour les moments sentimentaux de la pièce (écoutez à 3 minute 19 pour mieux comprendre), et des mouvements rapides, joyeux, guillerets, qui évoquent la fête (écoutez à 4 minutes 17) . Les deux sont reliés par des “passages de transition” qui permettent d'”accrocher ensemble” des airs qui sont séparés dans la pièce en elle-même sans que cela soit choquant pour l’oreille. Pendant que vous écoutez, essayez de repérer les passages lents et rapides ainsi que les différents sentiments ou ambiance qu’ils incarnent.

Cette ouverture démarre de façon assez lente, avant d’accélérer vers 6 minute 48. C’est un des traits caractéristiques d’Offenbach, démarrer lent et grimper en vitesse peu à peu, avec certains ralentis et autres cassures de rythme entre les deux. Il se rapproche assez de Rossini dans ce domaine.

V/ Pour aller plus loin: Offenbach aujourd’hui… et les filles du Moulin Rouge!! :

En plus des représentations classiques à l’opéra, la musique vive, festive et immédiatement accrocheuse d’Offenbach est aujourd’hui toujours utilisée dans le domaine du spectacle mais pas seulement. Ce sont des airs qui sont parfois repris dans la musique … de cirque (!) pendant que les animaux défilent ou dansent sur la piste. De même, une des équipes de football de Munich a repris l’air du final d’Orphée aux Enfers (air plus connus sous le nom de “Can Can” ou “French Can Can” à l’étranger) et le diffuse chaque fois que l’équipe marque un but. La vidéo est toujours visible sur Youtube. 🙂 Au cinéma, dans un film de 1998 nommé “La Vie est Belle”de Roberto Benigni, c’est la “Barcarolle” (un passage des “Contes d’Hoffmann”) qui est jouée sur scène lors du passage de l’opéra.

Toutefois, l’air du Can Can est devenu particulièrement célèbre grâce aux… spectacles du Moulin Rouge! 😀 Dans ces derniers, le dernier numéro est souvent celui du Can Can dans lequel les filles dansent et font des acrobaties en tenue de danseuse de cabaret XIXème, avec robe qui vole au dessus des cuisses et chaussures à talon haut, pendant que les danseurs sont déguisés en garçons de café parisien. De nos jours, le côté sexuel du spectacle qui attirait le bourgeois du XIXème est bien entendu très édulcoré, les moeurs n’étant plus les mêmes, et c’est souvent la performance sportive et acrobatique qui est la plus intéressante. Grâce au Moulin Rouge, les airs d’Offenbach sont désormais associés au Paris du XIXème et de la Belle Epoque, au Paris rêvé depuis l’étranger.

Dans l’extrait de 6 minutes que vous allez voir ici, la musique est une reprise légèrement modifiée et accélérée de différents opéras d’Offenbach et pas seulement celui du Can Can final d’Orphée aux Enfers. J’ai reconnu personnellement en plus d’Orphée aux Enfers des extraits de la Belle Hélène et de la Vie Parisienne. Je trouve que le spectacle vaut largement le coup d’oeil! Mention spéciale aux acrobaties en talon haut/ jupe longue et aux cris des filles qui encouragent leurs copines sur scène! 😀



Voilà, ce sera tout pour aujourd’hui. J’espère que cela vous a plus, si vous avez des questions ou des remarques, je suis à votre disposition. Dimanche Ecole Musique vous souhaite une bonne semaine et vous dit à dimanche prochain! 😀

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