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Malgré la surveillance accrue des côtes espagnoles et des îles italiennes, les jeunes Algériens sont encore nombreux à tenter de traverser la Méditerranée pour atteindre l’Union européenne. De quoi assurer de beaux jours aux passeurs d’Annaba, plaque tournante de l’émigration clandestine.

Au moins 1 million de dinars [10 300 euros]. C’est le pactole qu’engrange le passeur à chaque “voyage” ou “expédition”. Le bilan est arrêté à trois voyages par saison à raison d’un voyage tous les quinze jours. Comment est réalisé ce “chiffre d’affaires” ? Quelle est la logistique nécessaire ? (…) Pendant presque deux heures, Ahmed nous expliquera toutes les étapes préalables à l’organisation du voyage. Celles-ci commencent par la collecte de détails sur le nombre de candidats afin de définir le type d’embarcation à acheter, à commander auprès d’un atelier de fabrication clandestin ou à louer auprès de certains marins pêcheurs. Une fois disponible, la barque doit être peinte en noir pour éviter d’être interceptée par les gardes-côtes la nuit. La mission de prospection est confiée à des intermédiaires (…)

Pour les candidats de la catégorie VIP – connus dans le milieu sous le nom de fachafich –, le passeur, à la demande de ses clients, opte pour les petits bateaux à moteur hors-bord (…) Ce hors-bord, indique Ahmed, est soit acheté (après une cotisation des harragas VIP), soit volé. Puis il faudra se procurer le moteur sur le marché informel de la capitale (…)  L’étape suivante, précise Ahmed, consiste en l’acquisition d’un GPS et d’une boussole, des équipements indispensables pour le voyage (…) Là, explique notre interlocuteur, le recours à un intermédiaire est incontournable.

Pour écarter le doute que pourrait susciter l’acquisition d’une si grande quantité d’essence dans les stations-service, le passeur sollicite l’aide de propriétaires de grosses cylindrées, souvent fils de notables bien connus à Annaba, avec lesquels il entretient de “bonnes” relations. Rares sont les passeurs qui pensent à s’équiper de gilets de sauvetage, les harragas sont censés être de bons nageurs, précise Ahmed. Après avoir réuni toute la logistique sont alors entamées les négociations concernant les tarifs voyageurs, c’est-à-dire avec les “passagers” à transporter (…)  Interrogé sur le chiffre d’affaires pouvant être réalisé, notre interlocuteur s’est dans un premier temps abstenu de répondre puis, du fait de notre insistance, a fini par lâcher le chiffre de 1 million de dinars [10 300 euros] au minimum par voyage, à raison de trois à quatre expéditions par saison. Flairant le juteux filon, nombreux sont ceux à s’être lancés sur ce nouveau marché. Au début de son émergence, en 2005, cette activité était sous le contrôle de trois personnes seulement. Aujourd’hui, leur nombre est passé à plus d’une dizaine à Annaba.

Courrier international


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