La quiche lorraine est un de ces vieux plats liés au mode de vie de nos ancêtres, et composé des ingrédients les plus simples du garde-manger paysan : farine, oeufs, lait, crème, lardons. C’était le modeste régal dont la cuisinière se récompensait et récompensait les siens le jour où ils avaient affronté la corvée de confection du pain.
Il faut préciser qu’au dix-huitième siècle encore, tous les villages lorrains n’avaient pas leur boulanger professionnel. Chaque famille faisait son pain et le cuisait dans le four à pain collectif autour duquel gravitait la vie du village. Il fallait établir un système complexe de tours de rôle entre les familles pour l’utiliser. Si le village était bien organisé, on ne le laissait pas refroidir entre deux fournées, ce qui économisait le bois de chauffe. De toutes façons, le chauffage du four était une belle corvée en plus d’être une belle dépense, et l’on essayait de l’espacer ; on faisait le pain pour plusieurs jours, souvent quinze.
Tant que le four était en train, on en profitait pour y cuire une quiche ainsi que des tartes aux fruits, principalement aux prunes (mirabelles en plaine, quetsches dans les Vosges).
Le mot “quiche” vient de l’allemand Küche (gâteau).
L’appareil de crème, lait et oeufs battus s’appelle localement une migaine.
Comme le précise Michel Roth, la présence de gruyère râpé n’est pas orthodoxe dans un plat lorrain, mais ce n’est pas grave. Une des fonctions de nos vieilles recettes est aussi de lancer un débat familial animé entre les puristes défenseurs de la simplicité austère d’une vieille recette, et les partisans de quelques innovations raisonnables.
Faire communiquer, échanger et débattre, ce n’est pas le moins important !