L’Hexagone est passé d’une économie héritière d’une tradition industrielle à une économie principalement de services. En cause : une hausse de l’externalisation, les progrès techniques qui ont réduit les besoins en main d’oeuvre et la concurrence étrangère.
On est encore loin d’une France sans usine… mais on s’en rapproche. Un document de travail que la Direction générale du Trésor vient de publier montre qu’entre 1980 et 2007 la contribution de l’industrie à la richesse nationale est passée de 24 % à 14 %. «Un recul significatif », souligne l’étude, dans un bel euphémisme.
Sur cette période, l’industrie a perdu 1 913 500 emplois (tombant à 3 414 000). Soit une baisse de 36 % de ses effectifs. «La majorité de ces pertes d’emplois a eu lieu dans l’industrie manufacturière (96 %) », précise l’étude. Et s’il y a eu des périodes où les destructions ont ralenti (au milieu des années 1980 et au milieu des années 1990), cela n’a «pas suffit à inverser la tendance». Les services marchands ont suivi une évolution inverse. Leur poids dans le PIB est passé de 45 % à 56 % en valeur et l’emploi au sein de ce secteur a augmenté de 53 %.
Pourquoi ce déclin de l’industrie et surtout de son emploi ? Première cause, la recherche d’une «plus grande efficacité» par les entreprises, qui s’est traduite par un recours croissant de l’externalisation (toujours sur le territoire) d’une partie des activités industrielles vers le secteur des services.
Ces transferts d’emplois représentent environ 25 % des pertes d’emplois industriels entre 1980 et 2007 – ils n’en expliqueraient plus que de 1 % à 5 % depuis 2000. Une partie de ces pertes est donc «artificielle», car elle «reflète un simple transfert d’emplois auparavant industriels vers les services, notamment d’intérim, sans véritable changement de leur contenu», souligne Lilas Demmou, l’auteur de l’étude. Néanmoins, l’ampleur des destructions réelles d’emplois reste «substantielle même lorsqu’on neutralise ce phénomène» – de l’ordre de 1,5 million d’emplois entre 1980 et 2007.
Deuxième explication : ce que l’étude appelle «la déformation de la structure de la demande qui a accompagné les gains de productivité». En d’autres termes, le progrès technique a réduit les besoins de main-d’œuvre. Et les gains de productivité réalisés dans l’ensemble de l’économie ont entraîné une augmentation du revenu qui se traduit par «une hausse de dépenses des ménages au profit des services et au détriment des biens industriels».
Délocalisations : moins de 20 % des emplois perdus
Les forts gains de productivité seraient à l’origine de près de 30 % des pertes d’emplois sur la période 1980-2007 et de 65 % depuis 2000, précise l’étude.
Enfin, le recul de l’emploi industriel en France tient à la concurrence étrangère. Celle-ci, «notamment en provenance des pays à bas salaires», se traduit par une baisse de production des entreprises françaises (baisse de parts de marchés, faillites, délocalisations…). Mais son «impact est difficile à quantifier» : l’ouverture internationale expliquerait entre 13 % 45 % des destructions d’emplois, selon les modes de calcul choisis. Une accélération est toutefois incontestable sur la dernière décennie, note l’étude. Sur ce total, les délocalisations n’expliqueraient que 10 % à 20 % des diminutions d’effectifs entre 1995 et 2001.
(Merci à Christopher Johnson & à Imperator.)