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“Le credo communiste : de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ; le credo capitaliste : de chacun selon sa crédulité, à chacun selon son avidité. Joe Stack (1956-2010).” Ainsi finit le long message laissé, sur Internet, par l’Américain qui a précipité volontairement son petit avion sur un immeuble de l’administration fiscale à Austin, au Texas, jeudi 18 février. Agé de 53 ans, l’homme est vraisemblablement mort dans l’accident, un employé des impôts étant également porté disparu, et deux autres grièvement blessés.

Sur le site, fermé peu de temps après le crash, de la société de logiciel informatique qu’il avait créée en 1983, Joe Stack a laissé un testament de six pages, désormais disponible sur le site du Washington Post, dans lequel il s’attache à démonter le mythe du rêve américain. “Malheureusement”, écrit-il, “dans ce pays, nous subissons un lavage de cerveau dès notre plus jeune âge pour nous faire croire qu’en échange de notre dévouement et de nos services, le gouvernement œuvre pour la justice pour tous (…), qu’il y a de la liberté dans ce pays, et que nous devrions être prêts à donner notre vie pour les nobles principes de nos pères fondateurs. (…) J’ai passé toute ma vie d’adulte à essayer de me sortir tout ce bordel de la tête.”

Dans sa ligne de mire, les hommes politiques, “des voleurs et des menteurs qui ne pensent qu’à leur propre intérêt”, le sauvetage des banques et des grandes entreprises “qui se sont écroulées sous le poids de leur gloutonnerie”, comme General Motors, le système de santé et les compagnies d’assurances qui “tuent des dizaines de milliers de gens”, ou encore les lois : “On demande une signature sur la déclaration d’impôts, mais qui peut dire qu’il comprend vraiment ce qu’il signe ? (…) Si ceci n’est pas une mesure digne d’un régime totalitaire…”

DÉBOIRES FINANCIERS

Stack situe son entrée dans ce qu’il appelle le “vrai cauchemar américain” au début des années 1980, moment où il monte sa propre société en tant qu’ingénieur indépendant spécialisé dans les logiciels informatiques. A l’origine des multiples déboires financiers qu’il raconte, une réforme fiscale adoptée en 1986 au profit du géant informatique IBM qui a rendu très difficile, pour les ingénieurs en informatiques, de rester indépendants. Dans le New York Times, un avocat qui défend l’abrogation de la loi, confirme que ce texte a “ruiné la vie de beaucoup de gens”. Joe Stack écrit avoir dépensé au moins 5 000 dollars, et mille heures de son temps à essayer de convaincre des politiciens de sa nocivité. En vain, la loi, bien que très critiquée, existe toujours.

En moins de trente ans, Joe Stack raconte avoir perdu plusieurs fois toutes ses économies avant de rebondir, pour retomber de nouveau. Mal conseillé par un avocat fiscaliste, il finit par se retrouver “planté au milieu du désastre”, poursuivi par le fisc. Selon Associated Press, il a, durant sa carrière, monté deux sociétés de logiciels informatiques, toute deux suspendues par l’administration fiscale, en 2000 et 2004.

BILAN DES MORTS

“J’en ai eu plus que je ne peux supporter. Dire que les gens ne meurent plus pour leur liberté dans ce pays est un mythe (…). Je sais qu’il y a eu des victimes avant moi, qu’il y en aura d’autres après. Mais je sais aussi que si je n’ajoute pas mon corps au bilan des morts, rien ne changera”, écrit Stack en conclusion.

“Je choisis de ne pas continuer à regarder Big Brother me désosser, je choisis de ne pas ignorer ce qu’il se passe autour de moi, je choisis de ne pas prétendre que le ‘business as usual’ ne continuera pas, j’ai eu mon compte. Je peux juste espérer que le nombre [de cadavres] sera bientôt trop important pour (…) être ignoré et que les zombies américains vont se réveiller et se révolter”, ajoute-t-il.

Ces derniers mots lui valent déjà une certaine popularité sur la Toile. Plusieurs pages Facebook ont été créées pour lui rendre hommage. Sur l’une d’elle, nommée “La philosophie de Joe Stack“, qui compte déjà plus de 770 fans, l’administrateur a cru bon de préciser dans un encadré : “Cette page n’a pas pour but de glorifier ses actions mais simplement de dire, après avoir lu son message, que nous sommes d’accord avec les réflexions de Joe Stack.” Il reprécise sur le mur que la page veut “réveiller les gens”. “Je ne cautionne pas le fait de précipiter un avion dans un immeuble !”

Le Monde

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